Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                          KiBuoc.nApniiî.                        M3
    Qui le croirait cependant ? Ce n'est pas delà surabondance des
éléments que se plaint l'auteur de ce livre, mais de leur insuffi-
sance, j'ai presque dit de leur indigence. I! ne faut pas perdre de
vue la grandeur du sujet, la durée de la période qu'il embrasse,
le détail infini das faits, la diversité des intérêts, la multitude des
existences qui gravitaient autour de Cluny, à un certain moment
de l'histoire. On comprend en effet, que pour mettre en relief
tant de personnages, pour retrouver 700 ans, 900 ans après leur
mort, le secret de leurs pensées et de leurs actes, pour suivre
les péripéties de leur vie religieuse et politique, ce qui effraie,
l'historien qui les aborde, ce n'est plus comme tout-à-1'heure
cette forêt, mais la rareté des documents disséminés sur la lon-
gue étape qu'il est obligé de parcourir. M. Pignot a l'ambition
bien légitime de connaître ces hautes individualités; il voudrait
en quelque sorte évoquer de la poussière de la tombe ou plutôt
 des manuscrits, fous ces noms qui ont rempli le monde, et nous
 restituer avec leurs physionomies originales les hommes qui les
 ont illustrés. Mais, et c'est là une des difficultés de son sujet, à
 part quelques-uns, entre autres saint Bernard et Pierre-le-\ r é-
 nérable, ils ont peu écrit. Ceux qui ont laissé des ouvrages se
 sont attachés aux questions religieuses qui passionnaient les in-
 telligences dans le temps où ils vivaient; ils faisaient de la doc-
 trine, de la polémique, de l'enseignement, jamais ils ne se sont
 occupés d'eux-mêmes. Ces grands hommes tenaient leur per-
  sonnalité pour rien. L'exemple de saint Augustin dans cette
  sublime histoire d'une âme relevée par l'amour divin, qui s'ap-
  pelle les Confessions, n'avait pas eu d'imitateurs. Aucun ne se
  croyait assez grand pour suivre l'évoque d'Hippone dans de
  telles profondeurs et de telles clartés, dans cette voie de la pensée
  s'interrogeant elle-même à la lueur du repentir et de l'expiation,
  évitant par l'excès de l'humilité et du renoncement les tentations
  de l'orgueil. A plus forte raison, auraient-ils repoussé avec
  horreur cette vanité toute moderne de poser en relief pour la
  postérité, de lui transmettre des portraits plus ou moins flattés
   d'eux-mêmes. Ce mépris de la renommée, cette insouciance de
   l'histoire, qui était l'une de leurs grandeurs, font aujourd'hui,
                                                          33