Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
               LE PAGE DU BARON DES ADRETS.                409

   Il savait que le baron n'était point mort, et que le
terrible guerrier pouvait être délivré ; si le baron suc-
combait étouffé dans son tombeau, les catholiques pou-
vaient revenir implacables et sans pitié. Il fallait fuir,
fuir au plus vile; l'Italien calculait que désormais il
était assez riche pour renoncer à sa vie d'aventures et
de dangers. Changer de nom, se perdre pendant quel-
ques années dans une grande ville ou au fond d'une
campagne isolée, vivre en gentilhomme et, si l'ambition
lui venait, poursuivre une carrière de pouvoir et d'hon-
neurs, voilà ce qui lui traversait rapidement le cerveau.
Il saisit une poutre qui gisait à terre, la traine à la ri-
vière, ajuste ses vêtements, assure ses armes et, se con-
fiant dans sa force et son étoile, s'abandonne au courant
des flots.
   La Saône, ordinairement si calme et si douce, la
Saône chantée par les poètes qui ne savent pas de quel
côté vafeoncours, est sombre, orageuse, puissante à
l'époque de ses débordements. L'Italien, appuyé sur la
pièce de bois qui le soulage, n'essaye point de lutter
contre la rivière ; il ménage ses forces, suit le fil de l'eau
et cherche à se rapprocher du bord. Les flots roulent
violents et courroucés, mais vaincus par l'habileté du na-
geur,*ils le portent peu à peu vers la rive ; l'Italien sent la
(erre sous ses pieds, il se redresse, gagne le rivage et
jette un regard autour de lui.
    Les coteaux qui longent la Saône au levant sont cou-
verts de bois entrecoupés de cultures. Une petite plaine
humide qui commence à l'Ile-Barbe, s'arrête non loin de
la Tour de la Belle-Allemande ; le fugitif s'engage dans
un petit chemin creux d'où il compte gravir la colline,