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                     CIV1TA-VECCHIA EN 1 8 6 8 .                 35
 loggia s'ouvre au midi droit sur l'axe du port. Devant nous, à
 droite, à gauche, au loin, la mer s'arrondit, immense, sous l'im-
 mense coupole du ciel. C'est l'infini visible ! spectacle simple et
pourtant varie, attrayant, magique!
   Le matin l'eau est verte ; l'atmosphère gris perle avec un re-
flet de carmin en bas et de longues nuées roses qui glissent et
s'effacent à l'horison. Sur ce fond estompé, le brise-lames, le
phare, les tours de l'antimurale éclatent tout blancs en pleine
lumière. Le fort Michel-Ange se dessine dans une pénombre
bleuâtre avec des paillettes rutilantes au sommet des angles et
le long des vives arêtes que frappent les rayons hâtifs. Les pê-
cheurs s'assemblent sur le rivage sans chanter le chœur de la
Muette, et déballent le produit de leurs veilles laborieuses : lan-
goustes cuivrées , homards mouchetés, raies en forme de cerf-
volant, anguilles et congres tordus, enlacés dans une suprême
étreinte, rougets aux flancs vermillonnés, poulpes coiffés comme
les Eumenides d'une touffe de serpents, petits squales, requins
en miniature qui, vidés et enfarinés, mordent encore la main du
cuisinier et les rebords delà poêle, et enfin, à corbeilles pleines,
le menu fretin de toute écaille. En route pour Rome les plus
belles pièces ! c'est demain jour maigre
   Et là bas ! cette fumée qui tourbillonne , c'est le courrier de
France. Il entre dans la passe, fia, fia, fia! Drinck!.... l'ancre
tombe, En avant chaloupes, canots et chalands ! Puisse le vague-
mestre que je vois sur le môle, son carnet sous le bras, nous
remettre beaucoup de lettres, et que pas une ne soit bordée de
noir!...
   A midi, la mer resplendit, le ciel éblouit, les murailles aveu-
glent ; mais la température est charmante huit mois sur douze.
Entre le double flamboiement de l'éther et des flots, la brise ar-
rive à nous , fraîche et parfumée, comme le souffle d'un éven-
tail balancé par une main amie.
   Et le soir!.... devant ces splendeurs, je comprends le far-
niente napolitain, et je m'oublie accoudé à la rampe du balcon,
sans rêverie, sans désir et pourtant sans ennui. Toujours rien
que le ciel et l'eau ; mais quel changement d'aspect! La mer :