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CHRONIQUE LOCALE Les observateurs les plus sagaces et les plus profonds sont fort embarrassés pour nous dire en quelle saison nous sommes. Ce n'est pas l'automne ; nous avons des concerts et pas de fruits ; ce n'est pas l'été, les bains Marmet sont clos ; ce n'est pas l'hiver, on se promène au Parc et les arbres sont blancs et roses ; ce n'est pas le printemps, je lis la liste des prédicateurs du carême, les harengs font dans les rues concurrence aux violettes, d'immenses affiches annon- cent un bal pour la mi-carême et mon almanach m'affirme , chiffres en mains, que nous sommes en pluviôse, et conséquemment que flo- réal est loin encore. Per Baccho ! quel est donc ce mystère ? Un savant m'assure que ce dérangement des saisons tient à la présence de Jupiter. Cela me surprend. Je croyais les dieux partis. Enfin, puisque les savants le disent ! Et cependant les savants sont-ils bien toujours dignes de foi? lime souvient d'une définition de ces gens-là qui m'a fait longtemps rêver. « Un savant, dit Alexandre Dumas, est un homme qui commence par tout nier. Les savants ont nié l'Amérique, le mouvement de la terre, la circulation du sang, la vaccine, la vapeur. Colomb a répondu en découvrant l'Amérique, Galilée en prouvant que la terre tourne, Hervey en faisant reconnaître par le monde entier la vérité de son système, Jenner en tuant la petite vérole, Fui ton en faisant marcher les bateaux à vapeur. » Et cette réflexion, encore plus irrespectueuse dans sa forme : « Il faut dire à la honte du peuple le plus spirituel de l'univers qu'il commence par rire et accabler de sarcasmes toute in- vention ou toute découverte, bien sûr d'être suivi dans cette voie par les Académies en général et par les Académiciens en particulier. » Lieutaud. Mais pourtant, si on ne croit plus aux savants, à qui donc croire ? Est-ce donc pour donner raison à MM. Lieutaud et Dumas que le journal le plus grand de notre ville, le plus important par son tirage, le plus savant, puisqu'il compte des médecins parmi ses rédacteurs, a plaisanté si agréablement sur l'accident arrivé ces jours-ci, à Belle- cour, à une locomobile routière ? Le remplacement des chevaux par la vapeur, la traction opérée sur les routes ordinaires par des ma- chines me paraît être un des progrès les plus propres à illustrer notre époque. Pendant cinquante ans, on a nié que cela fût possible.'.Depuis quelques mois, pourtant, à Sain-Bel et à Chessy, MM. Perret frères se servent de locomobiles pour leurs courses et leurs charrois. Il y a fc