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             LE DERNIER ROMAN DE M. DAUDET                         327

 ses airs vainqueurs n'ont pas le don de faire rire. Le brouillard de
 la Seine tombe.trop directement sur ses effloreseences pour qu'on
 se les figure échevelées à huit cent kilomètres de la contrée où
 elles paraîtraient naturelles. On admire qu'un député de cette
stature ait été pris au sérieux. On s'étonne à bon droit que, deux
 catastrophes ayant troublé son ménage, ces catastrophes soient
venues de son fait.
    Arrêtons-nous devant la compagne de cet extraordinaire. Con-
traste voulu, rien de calme, de pondéré comme Mme Roumestan.
Rosalie.(un nom qui conviendrait mieux à une bonne de bouillon),
Rosalie est l'antithèse en chair et en os de son seigneur et maître.
C'est la femme rationaliste, honnête selon le monde, attachée à ses
devoirs moins par conscience que par convenance et par tempéra-
ment. Rosalie abandonne volontiers la religion au peuple, et, ma-
riée à un sot, elle trouve dans la direction de ce sot des jouissances
que le bonheur n'a pu lui offrir. M. Sarcey voit dans cette fi-
gure le type de la bourgeoise française : il évoque Henriette des
Femmes Savantes. Mais Henriette ne se targuait pas de libre
pensée, c'eût été donner par trop la réplique à Trissotin. Si on lui
avait annoncé que sa grâce, sa pureté résultait de la raison pure,
Henriette aurait, je crois, esquissé la révérence classique :

           Excusez-moi, Monsieur, je n'entends pas le grec.

   Rosalie est une Parisienne, oui ; la Parisienne, non. Pardonner
deux fois à un infidèle, cela montre du dédain au moins autant que
delà vertu. Bien des bourgeoises, aussi,intelligentes, aussi avan-
cées, auraient pratiqué une autre philosophie.
   Comme un violoniste s'impose une difficulté pour avoir le mérite
de la vaincre, M. Daudet a voulu dessiner une figure, assez rare
dans les salons, la Parisienne romanesque. Hortense est une méri-
dionale du Marais qui, à l'instar de Mignon, aspire au pays de
l'oranger. A mon sens, peu de jeunes filles commettraient les
étourderies de cette petite demoiselle. Qu'une pensionnaire couve
d'un œil mouillé la photographie d'un ténor, avant de faire sa
prière, c'est là une maladie qu'une mère habile coupe d'un prompt
et prosaïque mariage. Mais glisser sa propre image dans le