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LE MARIAGE DE SÉVERINE 187 aujourd'hui me livre son secret, quand la mort a prévenu ma ven- geance et pour détruire le bonheur de ma fille.... Que je suis mal- heureux! » Et le banquier se tut comme terrassé par ses cruels souvenirs. « Voyons, lui dit Glotilde en attachant sur lui un regard plein de compassion, du courage ! — Du courage, j'en ai. D'ailleurs ne n'est pas d'aujourd'hui que je souffre, j ' y suis habitué. Je pleure sur ma pauvre enfant, sur le chagrin que mon refus lui va causer. — Mais, hasarda Mme Evrard, puisque rien de tout cela ne s'est répandu, puisque votre femme et le général sont morts, je ne vois pas ce qui pourrait vous empêcher de donner à Séverine le mari qu'elle préfère ? — Oh! dit M. Lefort d'une voix sourde, n'attendez jamais cela de moi. — Vous êtes encore sous le coup d'une émotion pénible, dit Clotilde, aussi ne vous demandé-je pas maintenant une réponse définitive. Réfléchissez; peut-être le temps modifiera votre juge- ment. Ne froissez pas M. d'Artannes par un refus que vous pour- riez regretter plus tard. Songez qu'il s'agit du bonheur de Séve- rine, pensez-vous avoir le droit... ? — Non, interrompit M. Lefort, je vous répète que ce mariage est impossible. Quoi! vous voudriez que je consentisse à laisser ma fille porter ce nom dans lequel se résument aujourd'hui mes lon- gues années de souffrances ? à vivre à côté de ce jeune homme, dont la présence imposerait sans cesse à ma pensée son père auteur de tous mes maux? à le sentir en rapports constants avec cette infortunée créature, témoignage vivant de l'infamie de ma malheu- reuse femme? à me voir exposé à la rencontrer peut-être! Non, encore un coup, cela ne se peut. Je rends justice autant qu'il vous plaira à M. d'Artannes, il s'est conduit avec une délicatesse et un désintéressement qui lui font le plus grand honneur, mais je ne puis ni lui donner ma fille, ni lui faire savoir la véritable cause de mon refus. — Pauvre Séverine !... •—• Séverine oubliera, Glotilde, le temps et l'absence ont, sinon gnèri, du moins adouci des maux plus cruels. »