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SUR LE PONT DE SAÔNE I43
vention du richissime financier, en si vilain cas que se
fussent mis ses coreligionnaires, ils étaient toujours excusés ;
les plus mauvaises affaires où ils étaient mêlés étaient étouf-
fées. Manassès savait et avait le moyen d'apaiser le courroux
du roi et même de désarmer sa justice (28).
Charles V et son Manassès disparus, qu'y a-t-il d'extra-
ordinaire qu'à l'avènement de Charles VI le peuple de
Paris se soit, par deux fois, « enlevé i> contre les mécréants
qui depuis trop longtemps le pillaient impunément — et
en ait égorgé quelques-uns (29). La leçon fut sévère. Les
Juifs cependant ne surent pas en profiter. Loin de modérer
leurs exactions, ils ne songèrent qu'à réparer leurs pertes
en faisant désormais l'usure avec encore plus d'âpreté que
parle passé. La « grande commotion de Paris, » — qui, Ã
les en croire, les avait « moult diminués en nombre de
personnes et dépouillés de toutes leurs chevances tant en
or ou argent comme en titre de créances », — leur servit
(28) Depping. Les Juifs, p. 293. « Avec de l'argent ils obtinrent Ã
la cour de Charles V tout ce qu'ils voulurent. Manassès de Veson, leur
agent, se servit très habilement de son crédit en leur faveur. Malgré la
prescription formelle de ne prendre que quatre deniers d'intérêt pour
livre chaque semaine, leur avidité avait outrepassé ce taux, qui n'gtait
déjà que trop fort. Les plaintes ordinaires arrivèrent au trône... Le
prévôt de Paris entama des poursuites contre eux et les condamna à de
fortes amendes ; il fut même question au conseil du roi de renvoyer de
nouveau du royaume cette race d'usuriers déhontés. Mais Manassès de
Veson, moyennant 1,500 francs d'or sut obtenir un ordre royal qui
étouffait cette affaire et imposait silence au procureur du roi. »
(29) En 1380, poussée peut-être par les ennemis d'Aubriot, prévôt
de Paris, qui protégeait les Israélites, la populace pilla la juiverie, tua
des Juifs et força les femmes à livrer leurs enfants pour être baptisés.
Une seconde émeute antisémitique eut lieu quelques mois plus tard.
V. le moine de Saint-Denis et Juvénal des Ursins.