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qui les précèdent. Une contemporaine, femme de beaucoup d'es-
prit, Madame de Choisy, constatait que les nouvelles doctrines
n'étaient propres qu'à faire des libertins ou des impies parmi les
hommes du monde. « J'en parle, dit-elle, comme savante, voyant
eombien les eourtisans- et les mondains sont détraqués depuis
ees propositions de la grâce, disant à tout moment : Hé ! qu'im-
porte-t-il comme l'on fait, puisque, si nous avons la grâce, nous
serons sauvés, et si nous ne l'avons pas nous serons perdus.
Et puis, ils coneluent par dire : Tout cela sont des fariboles—
Avant toutes ces questions-ci, quand Pâques arrivait, ils étaient
étonnés comme des fondeurs de cloches, ne sachant où se fourrer
et ayant de grands scrupules ; présentement, ils sont gaillards
et ne songent plus à se confesser, disant : « Ce qui est écrit est
 « écrit. » Voilà ce que les Jansénistes ont opéré à l'égard des
mondains (1). »
   Ainsi, tandis que le jansénisme plongeait certaines âmes dans
un abîme de désespoir, il conduisait nécessairement les autres
à l'insouciante immobilité du fatalisme. Pourquoi se préoccuper,
en effet, de choisir entre le bien et le mal, entre le vice et la vertu,
si le libre arbitre n'existe pas? Qu'importe la rédemption, si
Jésus-Christ n'est mort que pour quelques élus ? qu'est-il besoin
de s'attacher à l'observance des préceptes de l'Evangile et de
l'Eglise, si la grâce qui seule sanctifie et rend les préceptes
méritoires, est absenté de notre cœur? toutes les vertus qui
procèdent de l'homme sont comptées pour rien : Dieu ne récom-
pense que ceux qu'il a destinés au salut éternel.
  En supprimant le libre arbitre, le jansénisme détruisait donc
de fond en comble le Christianisme lui-même.
   Lorsque Pelage, au V e Siècle, nia que le péché d'Adam eût été
transmis à sa postérité, lorsqu'il soutint que le libre arbitre pos-
sédait la même puissance qu'au jour de la création, sans qu'if
eût besoin d'être secouru par une grâce divine ; lorsque, non
content d'avoir détruit les deux bases du Christianisme, le péché
originel et la nécessité du sacrifice de la croix, il en vint, enfle


  (t) Madame de Sablé, par M. Victor Cousin, p. 5 8 .