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LE PÈRE DE LA CHAIZE. 481 en s'emparant de la direction des consciences et de l'éducation delà jeunesse qu'ils dirigeaient à peu près sans partage depuis longues années. C'est pour atteindre ce double butqu'il s'appliqua d'abord à réunir à la fois, auprès du couvent des religieuses de Port-Royal, des laïques et des prêtres remarquables par leur savoir et dévoués aveuglément à la doctrine nouvelle. Bientôt on vit accourir au- tour de Port-Royal tout ce que la noblesse et la haute bourgeoisie comptaient d'ambitieux déçus, d'esprits inquiets, de fanatiques de dévotion , de femmes dont les galanteries n'avaient pu remplir le cœur, qui venaient chercher dans les rigueurs de la pénitence ou dans le calme de la solitude un refuge contre les lassitudes et les déceptions du monde. Parmi ces premiers solitaires, on distinguait Antoine Le Maître, le plus célèbre avocat du Parle- ment , Singlin, Lancelot, Desmares , jeunes prêtres remplis d'érudition et de zèle -, puis les Séricourt, les Sacy , frères de Le Maître, et les Arnauld, dont l'un, à lamortde Saint-Cyran, devint patriarche de la secte. Richelieu ne tarda pas à deviner les tendances religieuses et politiques du jansénisme naissant. Parmi les Solitaires , il voyait plusieurs de ses ennemis, et le Parlement leur était favorable. Il en prit ombrage. Ces novateurs lui semblaient d'ailleurs bien peu différents des calvinistes. A la sollicitation de saint Vincent de Paul, qui avait pénétré mieux que tout autre les secrètes in- tentions deSaint-Cyran,le cardinal avait délivré contre le fougueux sectaire une lettre de cachet. Saint-Cyran fut enfermé à Vincennes. 11 était de plus convaincu d'avoir secondé l'opposition de Gaston d'Orléans (1). «Cet homme, dit Richelieu en expédiant l'ordre d'arrestation , cet homme est plus dangereux que dix armées : si l'on se fût également assuré de Luther et de Calvin, des torrents de sang n'eussent pas inondé la France et l'Allemagne durant cinquante ans. » « Richelieu comprenait bien que les imaginations de Saint-Cyran ne se renfermeraient pas dans le domaine de la métaphysique et de la théologie, ni dans l'enceinte d'une communauté de femmes, (4) Varin. La vérité sur les Arnauld, t. 1 e r , p. 26. M