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202 LA HAUTE-LOIRE tique des mœurs du temps : la persistance des inclinations belli- queuses sous le froc et la haire. Conduits par le prieur, Itier de Digons, chaque nuit, au dire des légendes quelque peu exagérées sans doute, des moines scandaleux s'échappaient en armes de la sainte demeure, convertie en repaire de brigandage, pour aller mettre à contribution le pays d'alentour. Relater la chronique, et les mille histoires d'apparitions nocturnes qui se rattachent en- core à cette ruine lugubre, dépasserait les bornes de cet aperçu. Chroniques et légendes ont d'ailleurs été recueillies : Nodier, le conteur par excellence, leur a prêté, dans son Voyage en Au- vergne, le charme et la couleur qu'il sait donner à ses récits. Le mur d'enceinte règne à peu près partout, gardant les restes de crénelures féodales et sa porte défendue par une tour à mâchi- coulis. Des anciens bâtiments claustraux, quelques vestiges du cloître à peine ont résisté, mais l'église subsiste entière, comme un des plus beaux types romans du XIIe siècle, malgré l'anachro- nisme archéologique des restaurations postérieures. Il faut visiter en outre la chapelle des abbés, séparée de l'église par l'emplacement du cloître, un vrai bijou d'architecture ogivale fleurie, construit aux premiers jours du XVI siècle. Le vanda- lisme révolutionnaire a brisé quelques ornements intérieurs, mais son élégant vaisseau à nervures délicates, deux portes laté- rales en arcs Tudor, à rinceaux fouillés avec un art infini, sont encore intacts à cette heure. Vendue nationalement, la jolie cha- pelle restait déshonorée à l'état de fenil quand, sur l'initiative éclairée de S. E. le cardinal de Bonald, alors évêque du Diocèse, elle fut acquise et sauvée d'une imminente destruction, par le conseil général de la Haute-Loire. Prêt à redescendre la pente, jetez un dernier regard au bas sur le pré du fou, théâtre de l'une des réjouissances les plus curieusement baroques inventées par le moyen-âge •, elle a lieu à la Pentecôte, jour de la fête patronale, et vaut certes une mention, quoique l'espace ici manque pour la décrire. De l'arête où nous sommes, on se trouve aux premières loges pour bien voir. L'étranger que le hasard y conduit, déjà prédisposé aux sen- sations rétrospectives, à l'aspect du vieux monument, peut se