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298 BANQUET OFFERT Ce titre de correspondant était autrefois seul conféré aux littérateurs, aux savants, aux artistes qui n'habitaient pas Paris. Si l'Institut allait chercher en Province quelqu'un de ses membres titulaires, il l'obligeait à changer de résidence. Ainsi, M. Ballanche quittait Lyon, et n'y revenait plus, malgré sa prédilection pour le sol natal. C'est un système qui a été heureusement supprimé avec la suppression des distances. M. de Laprade a pu s'estimer plus heureux que Ballanche, puisqu'une telle condition ne lui a pas été impo- sée. L'Institut gagnera sans doute à avoir élargi le cercle de ses choix ; mais ce sont surtout les villes de Province, si toutefois on peut employer encore ce mot suranné, qui n'y perdront pas. L'ambition littéraire, la plus noble de toutes, pourra désormais se développer chez elles librement et sans arrière pensée. La carrière littéraire était jusqu'ici la seule qui fût condamnée a ne s'achever et a ne trouver son cou- ronnement qu'à Paris. On pouvait arriver ailleurs aux plus hauts rangs de l'armée ou de l'administration ; il fallait aller à Paris pour obtenir les palmes vertes, la seule consécration légitime, la seule universellement reconnue, du travail et du talent ; maintenant il n'en est plus ainsi. Nous ne croyons pas nous abuser en constatant que c'est un fait d'une très- haute portée ; la création de l'Institut a été une des grandes causes de l'influence de notre civilisation et du rôle élevé que l'Europe entière attache a l'opinion et au goût de la société française. Que des villes comme Lyon entrent dans une communication intellectuelle plus régulière avec l'Ins- titut, reçoivent plus nombreux et plus rapides les rayons du foyer central, et deviennent à leur tour des foyers secon- daires plus puissants et plus actifs, c'est un événement considérable. Nous ne parlerons pas de décentralisation in- tellectuelle : le mot est bien sonore, et on peut lui faire dire beaucoup de choses fausses ; mais grâce a la transformation