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388                       UNE PRIMA DONNA
                  A ces sons discordants,
                  La fauvette interdite
                  Allait prendre la fuite ;
        Avec elle aurait fui la gloire de ces chants ;
             Mais des moineaux toute l'élite
        S'écria d'une voix : Bâillonnez le benêt !
             Haro ! haro ! sur le baudet.
              L'animal, aux longues oreilles,
        Voyant que sa leçon ne faisait pas merveilles,
        S'en alla retrouver baudet, son compagnon,
        Chemin faisant tondant la ronce et le chardon,
             Croyant encor par cette gentillesse
                   Faire voir la finesse
                        De son goût.
                   Un âne est bien âne partout !


                       Ceci s'applique
                       A maint critique
                            Freluquet,
                       Grand-Juge littéraire,
                       Maître ès-arls de parquet,
             Que grâces ni talents ne sauraient satisfaire,
             Et qui fait acheter l'honneur de lui déplaire
                    Par un coup de sifflet.
             Chaque âne a sa façon de braire.

   Cet apologue eut du succès dans la ville ; aux cercles, dans les
cafés, les habitués du théâtre se passaient de main en main le nu-
méro du journal qui l'avait publié ; les bourgeois lettrés lui trou-
vaient le tour facile ; les femmes sentimentales applaudissaient à
l'inspiration chevaleresque de l'auteur. On en parla le soirjusque
dans les salons de la préfecture. En sorte que la fable de la Fau-
vette et l'Ane fut un chef-d'œuvre pendant vingt-quatre heures.
    Vous croyez peut-être que le mari de la prima donna parta-
geait ces vives sympathies pour l'auteur de la fable et l'indigna-
tion générale contre l'auteur du coup de sifflet? détrompez-vous!
Cette logique du simple bon sens n'est pas à l'usage des jaloux.
 Qu'importait à celui-ci le nom de l'homme qui avait si odieuse-