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                   LES ANCIENS MANUSCRITS.                  361

raient le goût offerts à nos regards dans les nobles monu-
ments de l'architecture, ont ici un charme particulier par les
découvertes piquantes et inattendues qu'ils nous font faire
sur les intimités de la vie de nos pères.
   Les imagiers dont les travaux sont le sujet de cette étude
n'étaient pas, comme quelques artistes de nos jours, des
érudits versés dans la connaissance de l'histoire ; le passé
leur était inconnu, l'archéologie n'existait pas pour eux;
ils reproduisaient les scènes des siècles antérieurs de la
même façon que les événemens contemporains. Voulaient-ils
nous montrer Jésus-Christ montant au ciel, ils lui donnaient
un cortège d'anges tenant en main les instruments de mu-
sique vulgaire, le violon, la basse-de-viole, la mandoline, etc.
Avaient-ils h peindre le siège de Troie, ils plaçaient devant
ses murs une formidable artillerie. Dans une peinture du
douzième siècle, nous voyons le Philistin Goliath couvert de
la cote de mailles des Anglais et des Normands, et le jeune
David marchant à sa rencontre sous l'élégant costume des
pages de cette époque. Un manuscrit de la bibliothèque
impériale nous montre les funérailles de Jules César célé-
brées par des cardinaux et des évêques précédés de la
croix. Un volume de la bibliothèque Lavallière présente,
dans une curieuse peinture, Saturne et Cybèle recevant la
bénédiction nuptiale d'un évêque pontificalement vêtu, et, a
une page plus loin, Jupiter et Junon unis par un prélat dans
une église où se voit un calvaire.
   Dans ces peintures, nous voyons ordinairement le Père
éternel sous le costume du pape, Jésus-Christ sous celui
d'un roi ou d'un empereur; la vierge Marie est vêtue en
reine, les anges en prêtres ou en diacres, comme, par
 exemple, ceux qui servent de tenants aux armes de France.
   Grâce h cette précieuse ignorance, et à ces heureux
 anachronismes, que l'on fait bien pourtant de ne plus imiter.