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NAPLES. 327 Si l'on s'enferme dans la vallée d'Amalfi, entre les montagnes, on trouve de frais paysages qui rappellent souvent quelques gorges de nos Alpes du Dauphiné. Usines, filets d'eau limpide, bouquets de verdure surmontés de roches grises ; seul, l'éternel citron- nier détruit l'illusion. Le macaroni d'Amalfi passe pour être le meilleur de toute l'Italie ; c'est l'industrie et la gloire actuelle du pays ; on ne peut quitter Amalfi sans aller le voir fabriquer ; il est en effet délicieux ; on nous en a servi sur tout le littoral, et aucun macaroni du monde n'en approche. Nous avions au retour dépassé Majori, Minori, etc., etc. Nous approchions de Vietri en nous dirigeant vers Salerne , notre halte du soir, lorsque le soleil commençait à décroître et à s'abaisser à l'horizon ; l'immense golfe tout courroucé et blane d'écume semblait une nappe de flamme ; mes yeux étaient fixés sur la rive opposée, où je devais aller le lendemain visiter les grands temples de Pœstum ; tout à coup, de cette plage loin- taine, plate et nue que mon regard interrogeait, je vois surgir d'immenses colonnades dorées que le soleil couchant rendait visibles en leur reflétant ses rayons. Voilà les temples de Pœstum ! dis-je à mes compagnons. Nous étions si loin qu'on ne me croyait pas. Ils prirent leur lunette ; ce n'était pas un mirage; malgré la distance, la colonnade se voyait d'une manière distincte. Seu- lement, l'éloignement et les reflets du soleil lui communiquaient je ne sais quoi d'indescriptible, de surhumain et de vaporeux, qui tenait de la vision plus que de la réalité. Je n'ai jamais vu rien d'aussi sublime en ma vie : un ciel orienta!, un magnifique soleil couchant, une mer bleue et pourtant menaçante, des pyramides colossales de rochers nus d'un côté, et bien loin sur l'autre rive, la plage unie, morne et solitaire, et une apparition de vieux temples couleur d'or et de nuée, dressant sur la même ligne leurs longues colonnades doriques au bords des flots agités... Tant que le so- leil leur prêta ses flammes, les temples demeurèrent visibles et mon œil ne les quitta pas... Puis, peu à peu, l'ombre descendit sur eux comme sur le ciel. Nous arrivâmes à Salerne à la tombée de la nuit ; la mer était grise et livrée à une affreuse tempête. C'était encore beau de grandeur et de tristesse ; car c'était la