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328                           NAPLÈS.
tristesse à présent que j'allais rencontrer partout. Salerne et ses
environs sont tristes quoique couverts de roses. C'est là sans
doute que se sont réfugiées les fameuses roses de Pœstum, rem-
placées aujourd'hui par les blanchâtres tamarins et les pâles as-
phodèles qu'Homère plaçait autour du royaume des ombres.
Nous partîmes de grand matin pour Pœstum ; à Bataglia, on
quitte la grande route de la Calabre pour le chemin de traverse.
On passe le Turciano, puis en lac le Sélé ou Silarus des an-
ciens. C'est entre cette rivière et Pœstum que Crassus défit Far-
inée de Spartacus. Là cessent les aspects de la civilisation euro-
péenne. Les rares figures humaines que l'on rencontre ont le
profil énergique et farouche, la tournure et les vêtements des
brigands si popularisés par la peinture. D'affreux petits buffles
gris ou noirs, sales, puants, errent dans la campagne désolée,
ou traînent deux à deux de légers charriots chargés de fagots
épineux ; les buffles alors ont un énorme anneau de fer passé
dans les narines ; c'est le seul moyen de dompter un peu leur
férocité. La malaria règne en tout temps sur ces plages aban-
 données et leur communique ses teintes livides. Trois monuments
sont debout au milieu des débris : la basilique, le temple de
Cérès et celui de Neptune. Ce dernier est le plus grand et le
plus admirable ; le Parthénon seul le surpasse en beauté, dit-on,
parmi ce qui nous reste de l'architecture grecque; mais antérieur
de quelques siè*cles à l'ère chrétienne (Murray Book dit de 600
 ans) dans la sévérité, la noble simplicité, la solidité de son style,
 il doit être aux monuments du siècle de Périclès ce que nos som-
bres cathédrales romanes de France sont à la cathédrale ogi-
vale du XIVe siècle. Le temps a revêtu d'une magnifique teinte
jaune ces colonnes énormes ; nous y avons erré longtemps dans
le silence et le recueillement, entre deux horizons, l'un de mon-
tagnes couvertes de grands bois ; l'autre de la mer azurée. En
contemplant ces temples déserts sur la plage aride, je me suis
rappelée ma vision de la veille. Comme elle effaçait la réalité !
 alors, vus à distance, animés par les reflets du soleil, les temples
 étaient jeunes et vivants ; on eût pu distinguer, ce semble, les
hiérophantes et les sacrificateurs conduisant autour de l'autel