page suivante »
310 PARLES. penchée au bord d'énormes rochers, dont les flancs abritent de gracieuses touffes de citronniers, aux fruits d'un jaune pâle et de blanches maisons !... Otez la mer à Terracine, et Terracine perd tout son charme, toute sa beauté. Les femmes de cette ville ont conservé non seulement le type sarrasinesquc, mais encore dans la forme de leurs habits, dans la tournure et les attitudes quelque chose d'oriental. Ap- puyée contre un vaste roc chargé de ruines pélasgiques , je m'amusai à considérer une femme du peuple qui lavait des vête- ments dans la mer. Sa robe était étroite comme une gaine et d'un rouge éclatant; un long morceau d'étoffe à larges raies jaunes alternées de bandes noires d'égale grandeur, s'applatissait carrément sur le sommet de sa tète, puis retombait assez bas le long des reins ; les lignes raides et droites de sa taille, ses cheveux noirs légèrement créptis, son teint bronzé, me rappe- laient et les statues égyptiennes, et les bas-reliefs assyriens qu'on a apportés de Ninivc. Assez avancée dans la mer dont les va- gues néanmoins dépassaient à peine ses genoux , clic lavait di- verses pièces d'étoffe en les foulant sous les pieds, absolument comme la jeune Nausicaa, fille d'Alcinoûs et ses compagnes la- vent leurs voiles de pourpre, dans Homère. « Elles enlèvent du char les vêtements, les livrent au cristal des flots et les foulent à l'envi dans le creux des bassins. Lorsque ces vêtements ont repris tout leur lustre, elles les étendent au bord du rivage sur les cailloux qu'ont lavés les vagues mobiles. » C'est aussi de cette manière que la Téracinienne faisait sécher les siens, par un soleil brillant dont se seraient enorgueillis les forêts verdoyantes de l'île de Calypso et les jardins enchanteurs du roi de Phcacie. Je me crus un moment transportée en pleine Odyssée. Plus loin, dans les défiles du Samnium, des pâtres qui gardaient de nombreux troupeaux de chèvres sur les gradins de montagnes couvertes d'oliviers, ont fait revivre à mes yeux les églogues et les bergers de Virgile. Souvent, je l'avoue, j'avais soupçonné le chantre des Géorgiques d'idéaliser extrêmement dans ses vers les Tytire, les Ménalque, les Coridon. Mais je les avais devant mes regards non moins poétiques et gracieux qu'au siècle d'Au-