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242 EXPOSITION DE 1858. vue de profil ; elle est assise, un peu enfoncée dans un fauteuil ; son pied, à moitié chaussé, s'avance fort coquettement sur un coussin rouge. Devant elle une bibliothèque ,• derrière, un gué- ridon où se trouvent un sablier, une Vénus de Milo, des livres. Si l'artiste avait eu à peindre une de ces petites-maîtresses blon- des qui ont sans cesse la migraine ou des maux de nerfs, il aurait eu raison de l'entourer de chiffons, de flacons, et il eût placé près d'elle un roman de M. Xavier de Montépin, qui est le refuge des femmes nerveuses, la coqueluche des bonnes d'en- fants. Mais l'entourage sérieux qu'il a donné à sa Liseuse ne lui enlève rien de son parfum de jeunesse ; chez elle la grâce n'ex- clut point une sorte de gravité ; il n'y a dans sa pose ni con- trainte ni mollesse ; c'est une femme accoutumée à se reposer, dans l'étude, des futilités de son sexe. Le profil est d'une pureté délicate et charmante, d'un modèle ravissant ; les mains, bien qu'un peu fortes, ne le cèdent en rien au visage. Depuis ce reflet qui joue sur cet épais bandeau de cheveux jusqu'au bout de ce soulier noir, tout est fini, soigné, léché. Je dirais bien à M. Bru- nel-Rocque que la couleur bleue qu'il a donnée à sa robe a été choisie pour l'effet; que cette robe imite le zinc, et que les plis en sont raides ; mais M. Brunel-Rocque me répondrait que sa Li- seuse avait, ce jour-là , une robe neuve, et que la soie neuve n'est jamais bien souple. Puis, cette couleur se marie tellement avec le velours noir qui couvre la taille, que nous finirions par être du même avis. Les autres Liseuses n'ont pas la conscience aussi tranquille que celle de M. Brunel-Rocque. Ce n'est point un livre qu'elles tiennent, mais une lettre, lettre qu'on cacherait bien vite si un zéphyr malin ou maladroit agitait un tantinet la porte. Ne les troublons donc point, et allons voir le Marché hollandais de M. Van Schendel. Cet artiste recherche les effets de lumière projetée au milieu de l'obscurité. Il les réussit parfaitement ; il excelle surtout à imiter cette vapeur humide dont la nuit s'enveloppe et qu'on voit au loin. La foule s'arrête beaucoup devant son tableau et, cette fois, la foule a raison. M. Pinart, dans son Roman au village, a