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EXPOSITION DE 1858. 237 qui s'y connaissent pourrontfaire observer à M. Legras que sa pé- cheresse n'est pas dans l'âge où l'on songe à se repentir ; mais, certes, ce n'est pas moi qui lui reprocherai d'avoir choisi un pé- ché si frais et si jeune. M. Reverchon a donné peu de grâce à sa Religion ; il l'a peinte comme M. Auguste Barbier a décrit la Liberté. D'où vient à cette Religion qui soutient et console cet air som- bre et ennuyé ? — Je le saurais que je ne vous le dirais point. Je me garderai bien aussi de vous montrer cet homme immense et uniformément roux qui s'appuie sur la Religion ; son bras gauche vous effraierait, et vous seriez trop inquiet de savoir ce que de- viennent ses jambes qui fuient dans l'ombre et ne s'arrêtent pas. M. Beaume descend de Gros ; c'est dire assez que la couleur passe avant la ligne. Le paysage dans lequel il place le Repos de la Sainte-Famille ne manque pas de caractère et de perspective ; mais je n'aime pas cet ange qu'on dirait être en papier. Les mar- ches sur lesquelles la Sainte-Famille est assise sont chaudes et hardiment brossées ; la Vierge, n'est pas fort gracieuse, mais M. Beaume a donné à son saint Joseph assis à l'écart une physio- nomie mécontente et boudeuse qui ne lui messied pas. Les Madeleines repentantes et autres sont en nombre au Salon. Cette femme, les cheveux épars, pleurant ses fautes dans le dé- sert, est bien l'une des plus poétiques figures de l'Evangile ; elle a inspiré à Canova l'une de ses plus ravissantes créations. M. Gi- çoux a traité le même sujet et, disons-le vite, sa sainte Madeleine nous paraît être, non comme tableau religieux, mais comme étude, la meilleure toile de l'Exposition. Chaque fois que vous verrez un peintre aborder franchementlenuet rejeter ces amples draperies dont les faibles se servent pour recouvrir des membres qu'ils dé- daignent de montrer, et pour cause, soyez persuadé qu'il prend son art au sérieux, et, à ce titre, il a droit à nos éloges, ou, tout au moins à une grande indulgence. M. Gigoux n'a plus besoin d'indulgence et les éloges ne lui manqueront pas. La Veille d'Auslerlitz qu'il avait envoyée au Salon de 1857 est, quoi qu'on en ait pu dire ou écrire, une excellente page ; son Bon Samari- tain reste — cette fois encore, comme étude, — une œuvre r e -