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NOTICE SUR M. DE LEZAY-MARNÉSIA. 225 Il passa deux ans dans cette alternative d'agitations san- glantes et de trêves doucement occupées. On était en 1790. Son père siégeait à l'Assemblée constituante où, comme Mirabeau, il s'était rangé du côté du tiers ; mais moins homme pratique que philosophe spéculatif, il se découragea bientôt, et désespérant du salut de la monarchie, il résolut de fonder en Amérique une colonie française , une sorte de champ d'asile ouvert a tous les proscrits de son pays révolutionné, La pensée était bonne ; la prévision judicieuse ; elle fit du bruit ; des personnages d'une haute notabilité consentirent à la patroner de leurs noms. Mais M. de Lezay père manquait de cette suite dans les idées qui constitue l'homme vraiment capable de fonder et d'administrer. Pour mener à bien son projet, il eût fallu la froide raison d'un William Penn; lui, rempli d'enthousiasme, ne la considéra qu'a travers le prisme d'une imagination séduite. 11 rêvait d'une Arcadie , sans tenir compte du temps, des distances, ni des lieux qu'il ne connaissait pas. Les détails, d'ailleurs, répugnaient à sa nature poétique. Cette pente de son esprit l'empêcha d'apporter, dans le triage des sujets destinés à peupler la future colonie, l'at- tention qu'exigeait cette opération capitale. Catholique sin- cère , porté même vers la dévotion, il crut faire assez , pour arriver a son but, d'exiger de ses recrues des billets de confession et des certificats de mariage. Il devait être et il fut complètement dupe de la bonté de son cœur. Grâce a l'état de désordre où se trouvait la France, la ma- jeure partie du personnel de Gallipolis, ainsi s'appelait la Philadelphie en perspective, ne se composa que d'individus indignes et corrompus. De toutes les causes qui firent échouer l'entreprise, celle-là , certes, ne fut pas la moins puissante. Cependant, notre jeune officier de dragons avait obtenu 15