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58 LE PÈRE DE LA CHAIZE. lire, ne s'est-il pas réfuté lui-même sur un point lorsqu'il a écrit : « Le P. de la Chaize occupa longtemps ce poste (de confes- seur) et procura beaucoup de considération à sa Société. Souple, poli, adroit, il avait l'esprit orné, des mœurs douces, un caractère égal (d). » Et Duclos achève ce portrait en se servant du seul langage que pouvait tenir un philosophe du XVIII e siècle en par- lant d'un Jésuite. Quant à l'accusation portée contre le P. de la Chaize d'avoir été un prêtre timide, qui tremblait devant celui qu'il voyait à ses pieds et qui craignait de hasarder sa place, nous connaissons assez de traits de courage dans la vie du célèbre Jésuite pour qu'elle puisse être de quelque valeur. Sa conduite si ferme et si digne entre le Roi et Mme de Montespan, qui lui attira plus d'une fois les explosions de colère de la fameuse favorite ; sa persévé- rance à défendre contre Louis XIV l'abbé de Coadeletz (2) qu'il croyait innocent-, ses généreuses remontrances au Roi pour que la peine contre les relaps cessât de recevoir son application , sa lutte de plusieurs années contre Mme de Maintenon, au risque de perdre à jamais son crédit; le noble mouvement qui l'entraîna à louer hautement devant Louis XIV , trop prévenu , une belle action de Fénelon exilé, tout prouve jusqu'à l'évidence que le P. de la Chaize, loin d'obéir aux conseils de la peur, n'hésita jamais à défendre ses opinions avec indépendance. Saint-Simon, malgré sa haine aveugle contre les Jésuites, nous le peint cons- tamment ainsi, et Saint-Simon est un témoin oculaire. Enfin, nous avons sur ce point les aveux mêmes de Mme de Maintenon dans sa correspondance. Elle nous montre sans cesse le P. de la Chaize comme un de ses adversaires le plus franchement dessi- nés, qui lui tient tête avec une fermeté si impassible, si iné- branlable qu'elle s'avoue vaincue et qu'elle ne dissimule pas son découragement. Et au moment où il lutte avec elle pour (1) Mémoires de Duclos, collection Pctitot, t. LXXIX«, p. 129 et suiv. (2) Le véritable nom de cet abbé était Coadeletz et non Caudelet, ainsi que l'a écrit Saint-Simon et que nous l'avons dit plus haut en le copiant.