page suivante »
DOiS JliAK. 39 Ulysse, ils voient beaucoup ; ils font plus encore, ils nous révèlent les mœurs de chaque siècle qui les a chantés. Qu'est-ce que Don Juan ? c'est la personnification philoso- phique et littéraire de la plus véhémente comme de la plus dramatique des passions humaines, de l'amour noble et pur à son origine, puis égaré par l'usage coupable de notre liberté, châtié enfin par la Providence, lasse de ses excès. C'est un de ces types h la fois gracieux et terribles que les différentes écoles littéraires peuvent revendiquer ou pour servir de leçon au vice, ou pour devenir une vivante apo- logie du mal. Don Juan a revêtu tour a tour ces formes si diverses ; il est curieux de les rapprocher, et ce rapproche- ment n'éclaire pas seulement l'histoire de la littérature, mais aussi celle des idées morales. Le Don Juan espagnol s'offre le premier a notre étude. Gomme tous les vieux héros de sa patrie, comme le Cid ou Bernard de Carpio, nous l'apercevons d'abord dans le demi- jour douteux de la légende. S'il est incontestable qu'il a existé un grand seigneur de ce nom, si les domaines des Tenorio ou des UUoa se montrent encore en Andalousie, il n'en est pas moins probable que ce nom unique nous re- trace la destinée de plusieurs impies, et, sans avoir besoin d'admettre l'ingénieuse histoire de Don Juan de Maraiïa, si spirituellement racontée par M. Mérimée, nous reconnaissons parfaitement que la légende de Don Juan Tenorio résume plusieurs traditions de diverse origine, qu'on a fait de plu- sieurs vies coupables un unique exemple de la justice divine. Les plus vieux récits ont une couleur évidemment histori- que. Une chronique raconte que Don Juan ayant tué le commandeur d'Ulloa dont il enlevait la fille, les Franciscains de Séville, las de ses déportements, désespérant de voir jamais châtier un seigneur que son haut rang assurait de l'impunité, l'attirèrent dans leur église sous prétexte d'un