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486 PÉLOPONÈSE. lence même, la pierre qui s'écroule entre deux monts solitaires, le vent qui traverse accidentellement les hautes régions de l'es- pace, la voix profonde de la mer qui ne se tait jamais ; et je prêtais l'oreille tantôt à la mer, tantôt aux montagnes. Une nuée de corbeaux s'était attachée aux pas de notre caravane ; sans trop m'en rendre compte, je les suivais d'un œil inquiet ; je les comptais à ma droite et à ma gauche, et je tirais de leur vol capricieux des présages qui se contredisaient d'un instant à l'autre. Errant sur cette terre mère du paganisme , je ressentais en moi des terreurs païennes ; la superstition me gagnait. Heu- reusement, un arbre demi-mort leur offrit, à ma droite, un lieu de repos sur lequel ils s'abattirent tous d'un commun accord, .le remerciai le ciel, et continuai ma route, rassuré par ce pro- pice augure. Â ce moment, la courbe insensible du rivage nous amenait à l'extrémité du golfe en face de Nauplie. Un grand arbre sur les bords de la mer, quelques chaloupes amarrées, de chétives maisons, tel est MilosfMî'Xoç), dernière halte habitée à l'entrée des déserts. On s'arrête là , parce qu'avant de s'engager dans les solitudes qui s'ouvrent devant vos pas , on est invincible- ment entraîné à jeter un long regard en arrière, sur Nauplie qui blanchit et sourit à l'autre rive, sur le golfe bleu qui frémit au souffle du zéphir,sur la haute mer enfin qui se confond dans de lumineuses espaces, au-delà desquelles l'œil attristé cherche la patrie que le cœur désire. Milos est l'ancienne Lerne. La Mythologie s'est plu à consa- crer ces lieux par de sombres traditions. Lerne fut le séjour de cet hydre fameux, dans le sang duquel Hercule empoisonna ses flèches ; le monstre se tenait ordinairement sous un platane im- mense, qui ombrageait la source d'un fleuve disparu ; il y avait un lac, le lac d'Alcyonie, d'une insondable profondeur, calme en apparence, mais dévorant soudain ceux qui avaient l'imprudence de s'y baigner ; c'est à travers les abîmes de ce lac, que Bacchus descendit aux enfers pour en ramener Sémélé, sa mère. Le lac existe encore, mais converti en une mare fangeuse, où croissent des herbes et des joncs élevés. Près de Lerne, les enfers avaient