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BULLETIN ARTISTIQUE. Notre exposition de peinture va s'ouvrir, et déjà nous croyons pouvoir dire qu'elle offrira plusieurs toiles qui feront sensation. Parmi celtes que nous avons été admis à visiter, nous pouvons citer d'avance Un repos de chiens courants que nous regardons comme une des œuvres les plus remarquables d'un jeune homme plein d'avenir. M. Guj nous avait montré, aux expositions dernières, jusqu'où allait l'éclat de son pinceau; dans son Repos de chiens courants, il a voulu être plus sobre de couleur et il n'a gardé de sa puissance que juste en qu'il fallait pour ne pas éblouir les jeux des faibles mortels. Son tableau est sim- plement et sagement conçu. Une huitaine de chiens courants au pelage noir, aux formes fines et légères, sont arrêtés sur le bord d'un ruisseau. Les uns boivent, les autres dorment, un d'eux s'anime, tend le cou et semble flairer des émanations lointaines qui n'ont pas encore éveillé les esprits moins dé- licats et moins subtils de ses compagnons; dans le fuyant, quelques chasseurs sont groupés avec le reste de la meule, mais ils ne sont qu'un accessoire de peu de valeur; le beau rôle est pour ce groupe de chiens du premier plan dont les poses vraies et naïves, l'élégance des formes et la beauté plairon ( aux chasseurs autant que l'habileté de la composition et la richesse du co- loris plairont aux peintres et aux amateurs. Un autre tableau, mais dans un genre différent, un beau tableau d'histoire, aura aussi l'heureux privilège d'at- tirer les regards. Cette toile, d'une certaine dimension, rappelle un trait inté- ressant de l'histoire de Lyon, l'anoblissement de nos échevins par Charles VIII, à son retour d'Italie en 1495. Ce tableau de M. Bonirote représente les éche- vins recevant des mains du roi les parchemins qui les anoblissent eux et leurs descendants. La reine, Anne de Bretagne, richement vêtue, est assise sur son trône, ayant à sa gauche le roi et à sa droite le duc d'Orléans. Derrière eux sont groupés les officiers et les seigneurs de la cour ; les échevins en longues robes rouges s'avancent au pied du trône ; la gravité de leur vêtement fait compensation plutôt que contraste avec les dorures, les dentelles et la soie de la cour. Le style de cette page de nos chroniques lyonnaises, est simple et cependant digne de l'histoire. La fidélité des costumes a été soigneuse- ment conservée ; si ce n'est pas un grand mérite, on ne pourra nier que du moins M. Bonirote n'ait élé bien inspiré dans le choix de son sujet, heu- reux dans la manière dont il l'a compris et coloriste habile dans son exécu- lion. Un petit page surtout nous a plu. Debout derrière le roi, hardi comme un page, posé dans une altitude pleine de décision et de fermeté, il sem- ble être là l'enfant gâté du peinlre comme du souverain. MM. Ponthus-Cinier et Sainl-Jean auront aussi sans doute plus d'une belle toile, mais nous crai- gnons que le grand tableau que ce dernier a sur son chevalet ne soit pas prêt pour l'exposition. A. VISGTRINIER.