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                ÉTUDE SUR L'HISTORIEN GIBBON.                   397
 les vertus républicaines.... Je me suis toujours étonné que
M. Gibbon fût Anglais ; à chaque instant, j'étais tenté de m'a-
dresser à lui, et de lui dire: vous, un Anglais! non vous
ne l'êtes point. Cette admiration pour un Empire de plus de deux
cent millions d'hommes, où il n'y a pas un seul homme qui ait le
droit de se dire libre ; cette philosophie efféminée qui donne plus
d'éloges au luxe et aux plaisirs qu'aux vertus ; ce style toujours
élégant et jamais énergique, annonce tout au plus l'esclave d'un
 électeur de Hanovre. »
    Nous avons parlé de l'érudition de Gibbon.- on ne saurait la
louer trop ; elle est riche et brillante, mais elle n'est pas toujours
sûre. Quelquefois, notre historien voit dans les auteurs ce qu'il
lui plaît d'y voir, plutôt que ce qui s'y trouve réellement. Il
lui arrive aussi d'ajouter à leurs récits, de broder sur leur fonds.
On nous permettra de citer ici quelques exemples : Ch. XI, on
lit sur l'autorité de Zonaras : « A l'avènement de Claude, une
vieille femme (old vvoman) se jeta à ses pieds lui demandant
justice d'un général qui, sous le dernier empereur, avait obtenu
une cession arbitraire de son patrimoine. » Zonaras dit simple-
ment : mulier quœdarn, il ne dit pas si elle était jeune ou vieille.
 Il n'ajoute pas qu'elle se jeta à ses pieds. Ce général était un
 maître de cavalerie, magister equitum. De plus, ces mots, sous
 le dernier empereur, sont de l'invention de Gibbon. Au lieu de
patrimoine encore, il y a terre dans le texte. Toujours ch. XI,
 Gibbon dit que, « dans la bataille de Fano, les Allemands cru-
 rent voir une armée de spectres combattant pour Àurélien. L'au-
 teur cité est Vopiscus ; or, le texte de Vopiscus porte : monstris
 quibusdam speciebusque divinis, et l'on n'y lit pas que ce fut
 à Fano. C'est traduire beaucoup trop librement. Toujours ch.
 XI, Gibbon, racontant le triomphe d'Aurélien, dit « queTetricus
 y était revêtu d'une tunique couleur de safran fa sajfron tunic).»
 Le latin de Vopiscus porte galbina, qui signifie verdâtre. Plus
 loin, il ajoute : « les filles de Zénobie épousèrent d'illustres per-
 sonnages. > Reste à savoir si Zénobie avait des filles. On lit en-
              »
 core : « La famille de cette reine existait au milieu du Ve siècle. »
 11 faudrait dire du IVe, car les auteurs sur lesquels s'appuie