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298                    JACQUES USFRANC.
ou par le teu, et, pour ainsi dire, sans façon. Mais aussi les
regrets, les pleurs et les remords surviennent; d'ennemis qu'on
a souvent épargnés, on s'en fait d'excellents serviteurs, des
amis dévoués. Pour peu qu'un bras serve, en le conservant dé-
nudé même de ses chairs et dans un triste état, mieux vaut l'avoir
encore que d'en être à tout jamais séparé ; seulement, à cette
conservation, il en coûte plus de peines, de soins et de précau-
tions ; mais on établit une noble lutte entre le génie du mal et
celui du bien, et puis on gagne toujours à ne pas rompre avec
l'espérance.
   L'espoir abandonne rarement le médecin digne de ce nom.
Quand vous le voyez patient, persévérant auprès du lit du ma-
lade le plus en danger, jamais découragé , ne pas dire : « Ce
malade est perdu, donnez ce qu'il demandera, cessez le régime,
peine perdue... > Que ce médecin-là soit le vôtre, ou des vôtres,
il a foi en son art; il se sent des ressources que bien d'autres
n'ont pas, et il ne préjuge rien sur les infinis secrets de la vie,
encore moins sur les décrets du céleste Maître. Lisfranc était
de cette trempe : foi en lui, foi en Dieu.
   Le lecteur, à cet égard, nous pardonnera une remarque à raison
de laquelle toutes les occasions d'insistance sont opportunes.
Le médecin ou l'infirmier, qui, cédant à ce qu'il appellera la
fatalité ou l'inflexibilité d'une loi qu'il ne peut conjurer, et
cela bien avant l'heure définitivement sonnée, satisfait aux goûts
désordonnés d'un malade abandonné, et qui ne fait rien, ne fût-ce
que pour cinq minutes de prolongation d'existence, méconnaît
ses premiers devoirs. La durée ou l'abréviation de la vie, placées
dans ses mains, et dont il dispose, ne fût-ce que pour un im-
perceptible appréciation, n'est pas sans conséquences. Abandon-
ner un malade, d'abord, comme je l'ai déjà dit, mais en d'au-
tres termes, c'est préjuger sur l'insolubilité du problème ; en
bâtant la mort, ne jette-t-on pas ensuite le désordre dans le ré-
gime des successions? elkîs se règlent, comme on sait, par les
survies, ou présomption de survies. Une minute de plus ou de
moins sous ce rapport a de terribles inconvénients, grandes
conséquences surtout au point de vue du repentir, des révéla-