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292          SUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PEINTURE.
 donnent à leur composition une poésie tout aristocratique ! Ce
 n'est plus là ce qui convient au siècle des lumières.
    Les panthéistes qui voient la divinité jusque dans un brin
 d'herbe, lorsqu'à peine ils veulent croire en Dieu, prétendent
 que le peintre ne doit pas s'inquiéter de choisir ses modèles,
 puisque tout est divin dans la nature. Il doit peindre sans choix
 tout ce qu'elle offre au regard, des forêts dont les arbres
 ne présentent à la pensée que des branches chargées de feuil-
 les, sans chercher à y rattacher des souvenirs historiques qui
rappellent les malheureux temps de la féodalité. 11 doit pein-
 dre des chaumières, des étables à pourceaux, des mares d'eau
 croupie ; et surtout ne pas imiter ces paysages poétiques où
 certains peintres se sont plus à représenter les métamorphoses
d'Ovide ou des sujets tirés du Tasse ou de TArioste.
    Pourquoi et pour qui chercher à poétiser le paysage ? la na-
ture, même la plus ignoble, n'est-elle pas toujours assez belle,
puisqu'elle est la nature ? Ne l'a-t-on pas déjà prouvé dans les
tableaux de genre, lorsqu'on en a retranché tout ce qui est his-
torique, pour peindre des brigands et des voleurs en guenilles?
 Voilà la peinture qui doit plaire aux nouveaux amateurs. Pour-
quoi sacrifier encore aux anciens préjugés ? Pourvu que vos su-
jets fournissent le moyen d'empâter, de brosser, de gratter de
la couleur sur une toile, M. Gauthier sera toujours content.
   Maintenant, pour parler sans ironie, ayant répondu à M. Gau-
thier sur son antipathie pour le paysage historique et pour le
genre historique en général, nous dirons sérieusement que, dans
le paysage, les beaux sites pittoresques peints dans toute la
vérité de la nature, tels que les peignaient Berghem, Ruysdael
et d'autres ; de même que les sujets familiers qui, comme ceux
de Greuze, expriment de doux sentiments, mériteront toujours
la haute estime des gens de goût, parce qu'il y de la poésie dans
un beau site et dans le moindre sentiment ; mais les scènes tri-
viales, telles qu'on en a vu peindre dernièrement, qui n'ont d'au-
tre mérite que l'imitation servile de la nature la plus vulgaire, sont
aussi éloignées du véritable but de l'art, que l'état policé et civi-
lisé, dans lequel nous vivons, est éloigné de l'état agreste et gros-