Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
162.                      A MADAME ***.
       Ne me refusez point un sourire indulgent :
       C'est l'obole donnée au poète indigent.


       Certes, le blanc château perdu dans les prairies
       Est revenu souvent troubler mes rêveries !
       La discrète chapelle assise au bord du bois,
       Où nous sommes allés prier plus d'une fois ;
       Les beaux chemins perdus dans le taillis de chênes
       Où s'égaraient parfois nos courses incertaines ;
       Le discret pavillon par les arbres fermé
       Repassent chaque jour devant mon œil charmé.
       Je n'ai point oublié toutes ces douces choses,
       Et je revois encor les beaux groupes de roses
       Fleurissant au milieu de votre gazon vert,
       Comme une île enchantée au milieu de la mer.


       Mon destin m'a poussé vers des rives lointaines :
       J'ai vu le ciel brillant et les temples d'Athènes,
       Naples, Tyr et Stamboul, ces reines de la mer ;
       J'ai dormi sur le sable au milieu du désert ;
       Du Simoïs, tari j'ai contemplé les rives ;
       Je suis allé rêver au Jardin des Olives ,
       Et j'ai vu le soleil des cimes du Liban
       S'éteindre dans la mer comme un charbon ardent.
       Ce sont là des tableaux dont la magnificence
       Parle moins à mon cœur qu'à mon intelligence ,
       Et ces trop rares jours passés auprès de vous,
       Madame, m'ont laissé des souvenirs plus doux.
       — Qu'importe que la Muse épuise sa constance
       A m'arracher la fin du vers que je commence !
       Je me ris cette fois de sa vaine rigueur :
       Le vers interrompu s'achève dans mon cœur.

                                     Charles   REYNAUD.