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62                           ESSAI HISTORIQUE
   Dans cet état de choses, vint le concile de Bâle avec ses décrets
révolutionnaires, bien dignes de former la pragmatique-sanction,
puis le protestantisme: A la voix du moine de Wittemberg, une
partie de la chrétienté se détacha de l'autre. Luther attaqua non
seulement le pouvoir temporel de la papauté, mais encore son
pouvoir spirituel. IL allait répétant que le pape était Y Antéchrist,
que l'Europe avait dans sa personne un bien plus grand fléau
que dans le 'Turc ; et, flétri par ces désignations moqueuses,
l'évêque de Rome devint un objet de mépris et de haine pour
tous ceux que les autres mensonges des novateurs avaient sé-
duits. On doit dire qu'il s'ensuivit aussi chez les catholiques,
à l'égard du Saint-Siège, un notable affaiblissement de respect
et de confiance. La papauté perdit alors peu à peu ce qui lui res-
tait de sa puissance. Ici, l'on se débarrassa d'une redevance, là
d'un privilège, ailleurs on obtint des concessions par des concor-
dats. Chacun profita de l'affaiblissement du colosse. « Dans toute
la chrétienté, dit Ranke, au sud comme au nord, partout, on
chercha à restreindre les droits des papes (1). » Ceux-ci ne cher-
chèrent point à retenir imprudemment ce qu'ils voyaient leur
 échapper ; ils cédèrent beaucoup, parce qu'ils avaient l'Eglise à
 sauver, car le protestantisme s'attachait à gagner les souverains
par l'attrait de cette autorité que les papes avaient si longtemps
exercée. En effet, dès son début, le protestantisme s'annonça
 comme la réhabilitation de la prépondérance du pouvoir tempo-
 rel dans la société. Ici, les souverains pontifes montrèrent au-
 tant de sagesse qu'ils avaient naguère déployé de justice et de
 magnanimité, au temps de leur domination. Sans les concessions
 qu'ils firent alors à propos, tout peut-être aurait été perdu sans
 ressource.
   On en reste convaincu lorsqu'on voit le protestantisme sus-
citer contre Rome l'esprit d'opposition, là même où il n'avait pu
réussir à faireprévaloir ses nouveautés. Il se trouva des hommes
détalent et de vertu dans l'Eglise catholique qui, de bonne foi ou
par flatterie, imaginèrent qu'il y avait une dangereuss erreur dans

     (1) Uist de la Papauté, t. I, p. 68.