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         SUR LE POUVOIR TEMPOREL DE LA PAPAUTÉ.                 57
    Les emperenrs d'Allemagne n'acceptèrent jamais pacifique-
 ment cette suzeraineté. L'histoire de la résistance qu'ils lui op-
 posèrent est devenue célèbre. La lutte qui fut la suite de cette
 résistance dura cent cinquante ans, et a répandu un lustre im-
 mortel sur le pontificat d'Innocent III, de Grégoire IX, d'Inno-
 cent IV. Ce n'est pas que les empereurs contestassent cette su-
périorité. Ils partageaient, au contraire, avec tout le monde, la
conviction que l'empire, depuis Charlemagne, relevait du Saint-
Siège, que le pape faisait les empereurs, et pouvait en certains
cas les déposer. Mais la soumission au joug sacerdotal ré-
pugnait à la fierté et à l'ambition de ces potentats. Ils voulurent
à tout prix le secouer. Ce fut là leur tort. En l'acceptant fran-
chement, ils auraient tourné leur soumission au profit de leur
autorité ; consacrée et soutenue par la majesté sainte de l'Eglise,
cette autorité en serait devenue plus vénérable et plus vénérée;
elle n'aurait point été, comme elle le fut, attaquée, mutilée par
les révoltes des grands barons. Leur règne aurait été plus tran-
quille et plus glorieux. En répudiant cette soumission, que ga-
gnèrent-ils ? rien. Ils bouleversèrent l'Europe, l'inondèrent de
sang, se firent tyrans et persécuteurs. Bien loin de relever la
majesté impériale, ils l'abaissèrent et finirent par succomber eux-
mêmes. On s'expose à d'inévitables mécomptes, lorsqu'on se rai-
dit contre les idées de son siècle. De même que rien n'arrête un
torrent qui se précipite par ses pentes naturelles, ni digue, ni
bassin ; de même rien n'arrête les idées qui ont fait une fois ir-
ruption dans l'esprit des peuples : ni distances, elles se jouent
des espaces : ni persécutions, elles échappent au tranchant du
glaive. Il faut qu'elles passent.
   Les souverains pontifes du XIe, du XIIe et du XIIIe siècle, en
proclamant la supériorité de l'Eglise sur l'Etat, du sacerdoce sur
l'Empire, répondaient aux idées des peuples, à l'opinion publique
de leur époque. Donc, en voulant faire prévaloir le contraire,
les empereurs allemands déclaraient la guerre à' l'opinion pu-
blique. Evidemment, ils s'opposaient au vœu général, au besoin
du temps, car un vœu général suppose toujours un besoin de
même nature ; ils voulaient faire rétrograder la Société.