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LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON 4I5 Et n'eut-on veu des vents l'haleine estre ennuyeuse, Nul animal nuisant, nulle herbe venimeuse. Mais plus heureux puissai-je, exempt de tout esmois, Ore aller soubs l'obscur des crespines d'un bois, Ore ez cimes d'un mont, ore au fond des valées, Ore ez bruyants contours des rives reculées, Et vous suivant mes sœurs, mes muses, mes amours, Auprès de vous couler le reste de mes jours! Après une digression sur les plaisirs de la chasse, le poète termine par ces réflexions philosophiques : Que si, fuyant le soin des affaires publiques, Je ne fay sous mes lois trembler les républiques, Si d'un drap tissu d'or je ne charge mon corps, Mon âme de dessein, mes coffres de trésors, J'useray le cours brief de ma tranquille vie Sans reproche, sans peur, sans péril, sans envie, Libre, ou si quelque chose esclave mes bonheurs, Douces sœurs, ce seront vos charmeuses douceurs, Riche, ou si de ses biens la fortune m'est chiche, Si vivray-je content, et content seray riche. Un autre passage de la Semaine (chant Ve) nous montre le carac- tère élevé des préoccupations du poète. En combattant les erreurs répandues parmi ses contemporains, il se rappelle qu'il a souvent erré lui-même, et que sa Muse a contribué à propager bien des erreurs sur « les troupeaux des enfants de la mer » et sur « les peuples ramants ez campagnes de l'air; » mais, ajoute-t-il : Mais son œil qui plus meur darde un ray plus ardent, Va d'un plus ferme aspect la clarté regardant. Tant que l'aigle est jeunet, chevauchant les nuages, 11 tourne fois à fois ses yeux vers les ombrages ! Mais quand l'âge plus ferme a renforcé ses yeux, Fixé il va contemplant le soleil radieux. Ainsi mon esprit ore à la clairté s'attache, Content, pour toute gloire, au moins qu'un jour on sçache Combien mieux vaut le vray que l'esprit afronteur Et combien un Gamon rechercha la candeur.