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ïC6 LES SALONS D'AUTREFOIS Les journaux étaient rares et chers ; on les lisait peu et l'on ne parlait pas politique ; on la laissait à ceux dont c'était le métier; les avocats sans cause étaient bien moins nombreux. La question sociale dormait tranquille ; ce n'était pas la fantastique apparition des saint-simoniens qui aurait pu la réveiller.' Un éclat de rire homérique allant des bords de la Seine à ceux du Rhône et de la Garonne, les avait pourchassés jusqu'en Egypte, d'où ils sont revenus bientôt convertis... au culte du veau d'or. Dans ce temps-là , le ridicule ne pouvait pas vivre en France, mais aujourd'hui, il s'}' est joliment acclimaté. Depuis l'aigle de Boulogne, jusqu'au Bucéphale du nouveau Vercingétorix, sans nommer toutes les autres bêtes qui aspirent à devenir célèbres et riches surtout, en écrivant sur leur chapeau ce que voulait y mettre le loup de Lafontaine : C'est moi qui suis Guillot, berger de ce Uoupeau. En se levant, chacun lit son journal; lorsque le soir on se rencontre, dans une maison ou l'on a dîné, on n'a plus rien à s'apprendre mutuellement. Chacun sait tout ce qui est arrivé hier, et même le temps qu'il fera demain. Les journaux ont presque tué la conversation ; les cer- cles, la bourse et les cigares l'ont achevée. Le luxe des réceptions et des toilettes contribue beau- coup à la froideur des relations.