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136 DIVAGATIONS ET MENUS PROPOS IV L'air varié est tombé dans un discrédit complet et par une cause toute naturelle. On a été tellement saturé des fantaisies ennuyeuses produites sous cette forme, les solistes en ont tellement abusé que, sous peine de faire bâiller leur auditoire, ils ont dû recourir à d'autres procédés qui ne valaient pas mieux; ou pour parler plus exactement, tous ces procédés sont bons entre des mains habiles, tous sont mauvais employés par des gens qui croient avec eux pou- voir se passer d'idées et de goût. L'air varié, tel qu'il doit être, n'est point un amas de traits insignifiants, de banalités plus ou moins difficiles, ni un composé de phrases chantantes sans liaison entre elles. Ce n'est autre chose qu'un mode moins compliqué de déve- lopper une idée musicale. Développer une idée, en extraire les conséquences, en dévoiler successivement toutes les faces après l'avoir présenté sous une forme primitive, telle est l'opération de tout compositeur, comme de tout poète, comme de tout orateur; hors de là , il n'y a que désordre, vide et confusion. Seulement, il y a plusieurs manières d'opérer; tandis que dans une grande pièce les développe- ments suivent un ordre logique et par leur entraînement forment un discours complet, il arrive parfois que l'auteur, pour se ménager d'autres moyens d'effet, pour reposer son esprit et celui des auditeurs de cette tension exigée par la succession des longues périodes, découpe ses périodes en fragments plus écourtés ; les sépare par des temps d'arrêt, observe les mêmes rhytmes, reste dans la même tonalité,