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144           DIVAGATIONS ET MENUS PROPOS

à merveille, sans tomber dans le trivial il a fait de la mu-
sique avec des éléments peu musicaux, le galop des chevaux
et les aboiements des chiens, et malgré cela personne
ne songera à mettre cette ouverture au même rang que
celle du Freichutz ou celle de la Flûte enchantée.
   Rossini est tombé dans la même erreur avec l'ouverture
de Guillaume Tell; elle dépare, selon moi, ce magnifique
opéra. C'est un recueil de morceaux hétérogènes, fort jolis
il est vrai, mais sans liaisons. On y voit un peu de tout. Le
ranz des vaches, un orage, un pas redoublé avec grosse
caisse pour terminer. Cela est loin de l'admirable trio et
des choeurs des conjurés. Rossini, homme d'esprit avant
tout, jetait souvent au public distrait une pâture facile
pour l'amener par degrés à ses plus hautes conceptions.
   Don Juan, dont le seul défaut est d'être trop parfait et de
manquer de ces repoussoirs; offre pourtant un exemple
d'imitation d'un mouvement plutôt que d'un bruit. Dans
la première scène, lorsque le Commandeur attaque Don
Juan, l'orchestre reste seul et se renvoie des gammes ascen-
dantes s'accordant avec les passes des combattants et vien-
nent, au moment de la blessure du Commandeur se résou-
dre sur un accord de septième diminuée. Ce trait commandé
pour la situation est un temps d'arrêt. Mozart, qui a su
mieux que personne donner un caractère et une physiono-
mie distincte à chacun de ses personnages, obtient le
résultat, par la mélodie plutôt que par des puérilités de
déclamation et de sonorité. Sa partition, réduite au piano,
privée des effets de timbre et de la mise en scène, conserve
encore tout son cachet. Zerline chante autrement qu'Elvire.
Mazetto se sert d'autres tournures que Leporello ; on recon-
naît tous les acteurs sans les voir, et pourtant ils ne sortent
pas de l'élément musical. C'est précisément le contraire