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SUR LA MUSIQUE I43 primitive du village ; l'orage, qui vient troubler la réunion joyeuse, est si vrai, qu'on est tenté de chercher un abri; mais le premier allégro, mais le final et la première partie de l'andante, tout cela, bien que Beethoven ait eu soin d'en décrire le programme en tête de la partition, rentre dans le domaine du vague, de l'idéal et de la fantaisie. Cela est beau, ne nous inquiétons pas s'il s'agit de ruisseaux et de campagnes, si la scène est occupée par des bergers ou des sylphes. Dans la musique dramatique les imitations sont plus nombreuses et cela se conçoit, les paroles sont un pro- gramme naturel aux combinaisons du musicien. Ces ten- tatives, pourtant, n'ont pas toujours été heureuses, surtout lorsqu'il s'est agi de représenter des choses sensibles, en rapport plutôt avec un mot isolé qu'avec le sens général du morceau et le caractère du personnage; là , comme partout, les hommes de génie savent seuls distinguer les limites qui séparent le bon goût de la charge, et quand ils usent de ces procédés, c'est comme d'une exception, il en est de cela comme des fautes d'harmonie commises à dessein, parce que des compositeurs hardis ont su tirer un effet des succes- sions de quintes et des fausses relations, il ne faut pas voir en ce fait une permission de violer les règles. Le plus célèbre exemple en ce genre est l'ouverture du Jeune Henri, vrai pot-pourri d'airs de chasse, que Méhul a cousus avec un rare talent. Aussi, à part la suave andante qui sert d'introduction et dans lequel les partisans forcenés de la peinture musicale ont cru voir le lever de l'aurore, cette ouverture n'a guère que le mérite de la difficulté vaincue ; difficulté réelle puisqu'il s'agissait de faire un morceau raisonnable avec deux ou trois vieilles fanfares usées et rebattues par tous les piqueurs. Méhul s'en est tiré