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SUR LA MUSIQUE I39 plus sensible par la disette d'idées créatrices, auxquelles un nombre restreint de combinaisons suffisait. Au reste, à quoi bon l'idée quand on s'adresse à un public venu pour faire acte de présence et non pour écouter ? Aussi, pour faire du soi-disant neuf, de la musique de l'avenir, les compositeurs qui ne veulent pas se traîner dans les vulgairités et les flonflons de l'opérette, affectent des rhytmes déchiquetés, sans ordre, et des accointances inco- hérentes de tonalités, un salmigondis de notes jetées au hasard, sans dessin, sans enchaînement, sans développe- ment, sans conclusion. Ils croient être originaux et ne sont que bizarres. Ne citons pas, de peur de blesser injustement d'honnêtes chercheurs animés de bonnes intentions et en- dessous de leur tâche. Wagner, au sujet duquel la musique de l'avenir a été mise en cause nous est peu connu en France. L'esprit de parti et le manque d'attention l'ont tenu sous le boisseau. Je ne puis l'apprécier ; seulement, d'après le peu qui m'est connu il a une valeur réelle. Il sait son métier et les idées ne lui font pas défaut. Quant à son système, il n'est pas absolu- ment neuf, c'est l'opéra tel que le concevait Gluck, plus tard Meyerbeer, et que Mozart avait mis dans sa vraie voie en conservant la vérité de l'expression, l'action scènique sans abandonner un seul instant la mélodie et la marche du discours musical au profit de la déclamation et des artifices de sonorités. Mais Wagner a repris en outre une tradition antérieure qui est la bonne, il a compris l'absurdité de faire roucouler des personnages réels, historiques et surtout contemporains. Cette intervention de la poésie et de la musique n'est accep- table que pour les personnages fictifs de la mythologie et du roman.