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• SUR LA MUSIQUE I37 évite, en un mot, l'émission d'idées nouvelles pour se bor- ner à en tailler une seule en plusieurs facettes. C'est là l'air varié tel que l'ont conçu et pratiqué les sommités de l'art, Haydn, Mozart et Beethoven; fantaisies gracieuses, heures de loisir de ces immenses génies, qui peuvent sembler pué- riles après la symphonie en ut mineur, après Don Juan, dans lesquelles néanmoins un observateur non distrait (combien y en a-t-il à un concert?) pourra reconnaître la signature du maître. Il n'y a qu'un maître, en effet, pour se bercer ainsi pendant un quart d'heure sur un motif unique, et le faire apparaître sans cesse nouveau et inattendu, grâce à d'ingé- nieuses combinaisons aussi éloignées des lieux communs désignés sous le nom d'airs variés, que leurs sonates sont au-dessus des fantaisies nouvelles sur l'opéra à la mode ; in- dignes rhapsodies où les airs du drame, déchiquetés, tron- qués, mutilés, transposés, se courent après, se rassemblent sans aucune raison, que de servir au dilettante accommo- dant une olla podrida, une bouillabaisse de doubles croches. L'air varié du trio en si bémol (pour piano) de Beethoven, est, je crois, une mélodie populaire comme il en existe tant en Allemagne, d'une facture correcte et d'une mélodie originale; il a été varié par d'autres, par Pâganini, qui en a fait le prétexte d'un exercice sur la quatrième corde. Ce qui appartient à Beethoven, ce sont les ravissantes broderies que se renvoient ces trois instruments, extraites de la subs- tance même du motif ayant chacune leur cachet et une allure particulière.