page suivante »
CHRONIQUE LOCALE Quand le lion rugit, tous les hôtes de la forêt se taisent. Phrase neuve ou clichée, le mot résume la situation. La parole est aux élections, tout autre bruit s'éteint, toute autre clameur s'efface. Le peuple assiège les comices ; on environne l'urne électorale au cri de : Vive Raspail ! La foule est en chasse, elle poursuit une idée, elle a un but : nommer celui qui doit faire table rase de nos institutions et de nos croyances, l'ennemi du culte et du pouvoir, nous n'osons dire l'ennemi de la propriété individuelle ; nous croyons que le vieux radical ne va pas aussi loin. Quant au résultat final, Salomon, le sage par excellence, avait eu le soin de nous l'annoncer il y a longtemps, et il ajoutait, pour l'ins- truction de l'avenir : « Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. » Mais quand la voix léonine s'est tue et que la montagne a fait si- lence, on entend jusqu'au bourdonnement de l'insecte, au soupir du vent, au frémissement de la feuille. Si notre voix est couverte aujour- d'hui par le formidable concert populaire , nous n'en continuerons pas moins à pousser nos frêles notes, espérant que bientôt quelque ami du calme et du repos pourra les entendre. Le temps a été si bien rempli que, depuis notre dernière livraison, personne n'est mort du spleen à Lyon. Le concert d'une charmante jeunefille,M11" Julie Billiet, dont les progrès ont étonné ses nombreux et sympathiques auditeurs, la solennité musicale de notre éminent chef d'orchestre Joseph Luigini qui a fait salle comble à l'Alcazar, la lin de l'année théâtrale avec les adieux de M11" Singelée, de MM. Dela- branche, Guillot et Méric ont occupé suffisamment l'attention des di- lettenti passionnés. Le mode importé nouvellement à Lyon de vendre la soie aux enchères a, pendant plusieurs jours, révolutionné le conv- merce lyonnais, peu accoutumé à voir la soie et les écus danser au bruit du marteau d'un commissaire-priseur; les agronomes, les horti- coles et tous ceux, plus nombreux qu'on ne croit, qui aiment ce qui st rattache aux champs, ont admiré, au Concours agricole, les serres d'été et d'hivsr, les pressoirs qui, sous i'efïbrt d'un seul homme, écra- saient des poutres de chêne, les batteuses perfectionnées, les locomo- biles, les charrues légères, les magnifiques taureaux anglais et suisses, les belles génisses blanches du Charolais, le bétail à moitié sauvage, mais si admirable de formes de la Tarentaise et de la Savoie.