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LES JUIFS DANS LE MONDE. 501 reste les simples bourgeois ; les nobles seuls ayant d'ordinaire cette prérogative d'un autre âge. Là comme dans le reste de l'Allemagne les Juifs ne peuvent être nommes professeurs qu'après avoir été préa- lablement baptisés. Cependant une demie exception a été faite récem- ment à Berlin en faveur de Traube, nommé professeur extra-ordi- naire de clinique mais avec les honoraires de professeur ordinaire (encore une exception). Et à la même époque Frerichs, qui est chré- tien, était nommé professeur ordinaire au lieu et place de ce même Traube qui a infiniment plus de talent que lui. Qui est-ce qui perd à cette préférence inintelligente ? Leséièvcs, la science, les malades... Les Prussiens qui affichent hautement la prétention de marcher à la tête de l'Allemagne devraient justifier cette prétention en mar- chant tout d'abord en tête du progrès et en répudiant ces préjugés surannés qui les font vivre un ou deux siècles en arrière de certaines autres contrées de l'Europe. La France qui ne fait pas plus acception de nationalité que de religion quand il s'agit d'honorer le talent (l) , la France leur a donné récemment une leçon dont ils devraient bien profiter. Le célèbre philologue S. Munk, se voyant refuser l'entrée des bibliothèques de Berlin à cause de sa qualité d'Israélite, quitta cette patrie inhospitalière, il y a 20 ou 25 ans, et se réfùg;a à Paris pour y continuer ses éludes sur les langues orientales. Ses beaux léon avait suivi de tels errements, de combien de généraux, de maré- chaux illustres il aurait privé ses glorieuses armées! Sur ce point les Turcs s'y prennent d'une aulre façon que les Prussiens, les Turcs qui recrutent leurs hommes de mérite indistinctement dans toutes les classes, même parmi leurs esclaves. Chez eux, lctilre de Pacha, titre de noblesse, n'est accordé qu'à l'homme en particulier et non à ses descendants. Ils n'admettent que la noblesse personnelle, via- gère, qu'ils considèrent comme étant la seule véritable; car ils croient avec le poète crue Les fils des héros jamais ne leur ressemblent. Aussi la noblesse héréditaire leur parait-elle un tour de faveur imméritée par des gens qui n'ont que la peine de naître, suivant l'expression de Baumarchais. (1) Celle manière d'agir, tout à la fois si noble et si intelligente, n'est pas une des moindres causes assurément qui aient valu au caractère français celte sympathie universelle de la part des nations étrangères , sympathie qui fait que chacune de nos grandes commolions.pol tiques (1789, 1830, 1848) a son retentisse- ment, son écho dans les autres pays de l'Europe. M. de Humboldt exprimait ce fait d'une manière piquante, quand il disait à un Fran- çais, prenant congé de lui, quelques années après 1848 : « Faites donc en sorte de bien vous porter dans votre pays. » — Pourquoi donc ? — C'est que, lorsque la France est enrhumée, toute l'Europe éternue. » 4