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DE LA DIGNITÉ DE L'ART. 181 implicitement dans ce que nous avons a dire sur l'art en gé- néral; il est incontestable que si l'art veut avoir une in- fluence salutaire sur le goût, comme il doit en avoir une sur les choses sérieuses de la vie, c'est a la condition qu'il conservera le caractère d'élévation et de dignité qu'il a eu aux belles époques de son existence. C'est sur ce caractère que j'ai désiré vous entretenir, Messieurs, vous demandant pour m'entendre la même indul- gence, que vous avez eue pour me recevoir parmi vous; ma tâche je le comprends, est difficile, parler de la dignité de l'art c'est aborder un sujet, qui touche a toutes les questions les plus élevées, a toutes les nobles choses qui s'adressent à l'âme humaine, la religion, la philosophie, l'histoire et la poésie, et, vous le savez, les artirtes sont peu habitués a ren- dre leurs pensées par la parole. On a dit souvent, et de nos jours surtout l'art a pour but de récréer les yeux par l'imitation de la nature. Erreur : c'est prendre le moyen pour le but. L'imitation de la nature est à l'art ce que les mots sont à la parole, elle n'en est pas plus le but que la pureté du lan- gage est celui de l'éloquence et de la poésie. L'art, et nous n'entendons parler ici que de sa triple mani- festation par la ligne, la forme et la couleur, l'art disons- nous, c'est l'éloquence et la poésie allant a l'âme par les yeux. Ce que la parole dit, l'art le montre par un langage spon- tané, permanent, universel, qui a pour alphabet la nature entière, pour syntaxe le .beau dans son acception la plus élevée et la plus étendue, et pour but la perfectibilité humaine ou en d'autres termes la civilisation. Ce but civilisateur de l'art est frappant pour tous ceux qui veulent étudier la vie des nations éteintes, en consultant les monuments artistiques qu'elles ont laissé dans leur passage