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% 80 LETTRES DE F. OZANAM. plus douces, plus fécondes. Tu sais que j'aspirais à former une réunion d'amis travaillant ensemble à l'édifice de la science, sous l'étendard de la pensée catholique. Cette idée était restée longtemps stérile. Seulement un ami m'avait ouvert la porte d'une réunion littéraire très-peu nombreuse, dernier débris de l'anciennç Société des bonnes études, mais dont les habitudes peu scientifiques ne laissaient presque pas de place à la philosophie et aux investigations sérieuses. Une étroite enceinte nous ras- semblait; à peine quinze membres étaient-ils fidèles à ce rendez- vous studieux ; à peine les hautes questions de l'avenir et du passé osaient-elles s'y produire. Aujourd'hui, grâce au zèle de quelques uns des anciens membres, cette Société a grandi d'une merveilleuse manière ; elle compte soixante personnes, dont plusieurs portent des noms qui ne manquent pas de célébrité; de nombreux auditeurs assistent aux séances, et le vaste local est encombré. Nous avons cru devoir mettre des conditions assez sévères pour l'admission des candidats, et cependant les candi- datures se multiplient, et nous nous sommes recrutés de jeunes hommes d'un talent supérieur. Les uns, voyageurs précoces, ont visité plusieurs parties de l'Europe, et l'un même a fait le tour du monde. Il en est qui ont approfondi les théories de l'art, d'autres qui ont sondé les problèmes d'économie politique. Le plus grand nombre se livre à l'étude de l'histoire ; quelques-uns à la philosophie. Nous avons môme deux ou trois de ces âmes choisies à qui Dieu a donné des ailes et qui seront un jour des poètes si la mort ou les tempêtes de la vie ne viennent pas les briser en chemin. Le domaine tumultueux de la politique est en dehors de nos excursions, mais partout pleine et entière liberté. Aussi des questions-graves s'élèvent, déjeunes philosophes vien- nent demander compte au catholicisme de ses doctrines et de ses œuvres, et alors, saisissant l'inspiration du moment, l'un de nous fait face à l'attaque, développe la pensée chrétienne mal comprise, déroule l'histoire pour y montrer ses glorieuses appli- cations et trouvant quelquefois une source d'éloquence dans la grandeur du sujet, établit sur des bases solides l'immortelle union de la vraie philosophie avec la foi. Bien entendu que ce