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                          GKAND-THÉATRE.




                AGNÈS DE MÉRANIE,
                               PSR M .   PONSARD.




    Les journaux de Paris, ces grands maîtres de l'opinion, nous laissent or-
 dinairement peu de chose à faire dans la critique des œuvres représentées
sur notre scène ; elles arrivent avec une réputation toute faite, et nous n'a-
vons guères qu'à enregistrer la manière dont elles sont accueillies. La nou-
velle pièce de M. Ponsard a échappé à ce sort commun, tant les journaux en
ont parlé en termes divers : Qui devions-nous croire de M. Rolle qui annon-
çait un grand succès, ou de M. Janin qui déplorait un magnifique naufrage^
de M. Gautier qui refusait à l'auteur d'Agnès les plus minces qualités poéti-
ques, ou de M. Old-Nick qui lui assignait une place parmi les plus grands
poètes ? Entre ces jugements diamétralement opposés, l'opinion publique
était demeurée flottante. La première représentation d'Agnès de Miranie nous
offrait donc un attrait inaccoutumé. Nous arrivions avec toute l'émotion de
l'incertitude, nous allions juger les grands juges, nous allions savoir le dernier
mot de ce problème si diversement résolu.
    D'ailleurs, notre tâche était grave et sérieuse. Le talent incontestable de
 l'auteur de Lucrèce n'était pas la seule raison qui nous invitât à nous préoc-
 cuper de sa nouvelle œuvre ; la réserve qu'il avait su garder au milieu de son
succès lui avait fait une position exceptionnelle. Au lieu de s'abandonner
 étourdîment à l'ivresse d'un triomphe inattendu, au lieu de s'élancer avec
 précipitation dans la voie facile que lui ouvrait la fortune, on l'avait vu se
tenir à l'écart, et chercher dans le recueillement des inspirations qui pussent
justifier les hautes espérances qu'on fondait sur son talent. Ce fait était d'au-
tant plus significatif qu'il contrastait avec les habitudes littéraires de notre
temps. Si M. Ponsard n'a pas succombé aux dangereuses tentations qui le sol-
licitaient, ce ne seront, certes, pas les séductions du mauvais exemple qui lui
 auront manqué.
  Quelque fût donc la valeur réelle de son œuvre, il avait droit à de grands
égards, il se présentait sous la sauvegarde de son honnêteté et de sa bonne foi.
Du reste, la simplicité extrême du sujet qu'il avait choisi, l'époque même
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