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VOYAGE A VIENNE. 121 conduisant à des promenades ombragées. Je me retournais alors d'un autre côté ; mais la muraille semblait me suivre, et venait bientôt borner de nouveau ma course. Alors, impa- tienté de trouver toujours et partout devant mes pas celte enceinte continue, je prenais une direction nouvelle en lui tournant le dos avec un peu d'humeur : au bout de trois ou quatre rues, ma curiosité allait encore inévitablement se briser contre l'impitoyable rempart. Je tournais ainsi dans un espace assez étroit, accomplissant mon mouvement de rota- tion dans une cage cylindrique. C'est comme si le mur d'en- ceinte de Paris allait passer, d'un côté, sur les boulevards in- térieurs, de l'autre, dans la rue St-Honoré, étreignant cette partie de la grande cité, et laissant tout le reste en dehors. Aussi, quand la bonne ville de Vienne, qui étouffait dans sa ceinture trop étroite,* a manqué d'air ; quand elle a vu qu'elle ne pouvait plus introduire dans ses rues une seule maison, comme on fait entrer de force un coin dans un bois dur, elle s'est enfuie, elle a débordé par toutes ses portes, heureuse de trouver des issues et de l'espace. Elle a poussé tout d'une haleine, comme de» jets puissants longtemps con- tenus, des rues longues, larges, magnifiques ; elle s'est étendue et mise ù l'aise dans ces vastes et splendides quar- tiers qui forment la ville extérieure. De sorte que la partie condensée entre les remparts, qui renferme d'ailleurs le pa- lais impérial et tout ce qui tient au gouvernement et à l'ad- ministration, représente, à bon droit, le buste et les viscères de la capitale, tandis que les faubourgs en sont les grands membres épars, pleins de jeunesse, de vigueur et de belles formes. Mais tout cela ne paraît pas bien ensemble, et d'une seule venue. C'est une belle et grande ville disloquée. Celte disgracieuse muraille de séparation, qui est elle-même entourée de vastes promenades, étreint une partie de la cité, et rejette l'autre à telle distance qu'on croirait tout fini