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VOYAGE A VIENNE. 391 Constater qu'un rayon de l'esprit français est entré dans diverses parties de l'ancien territoire de l'empire germanique, c'est bien, à vrai dire, triompher un peu du ministre tout- puissant ; car il a eu la prétention et jusqu'ici le pouvoir d'en- courager et de soutenir les souverains absolus des divers états d'Allemagne, dont les concessions libérales eussent été à ses yeux un exemple fâcheux, peut-être un présage funeste. Il craignait qu'il advînt, par leur fait, quelque dérangement à son assiette gouvernementale. On assure que, dans un entre- tien qu'il eut, il y a quelques années, avec le roi de Prusse, dans l'intention probable de le détourner des projets consti- tutionnels qu'on lui connaissait, il lui dit, de façon assez leste : on raconte, Sire, que vous voulez donner une constitution à vos peuples : que ne prenez-vous alors celle de notre bon voisin, le roi des Français : elle est de fraîche date et sa forme est dans le goût du jour ! Acette inconvenante raillerie, le roi de Prusse a répondu par une assemblée d'Etats-Généraux , qui ne produira point , à vrai dire, une constitution modelée sur celle de France ; mais c'est un premier pas de fait, c'est une première victoire sur l'esprit absolutiste, dont le vieux ministre a dû éprouver quelque déplaisir et dont l'Autriche ressentira tôt ou tard quelque atteinte. Force lui sera de faire un jour, qui n'est peut-être pas bien éloigné, quelques concessions constitu- tionnelles à ces royaumes adjoints, malcontents et dolents, dont, à l'aide des traités, elle a bien pu absorber les terri- toires, mais dont elle n'a pas pu s'assimiler les peuples. Pau- vre Autriche, l'esprit absolutiste lui manque partoul, même à Rome où règne un souverain Pontife éclairé, qui ouvre la porte aux sages réformes avec les clés de saint Pierre ! Ainsi donc les constitutions gagnent du terrain; la tendance est là , en Allemagne et partout; il se fait un travail huma- nitaire, ici patent, ailleurs latent, mais inconteslable, et qu'il