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20                 EXCURSION DANS LE MIDI.

    Comme cela s'est pratiqué de temps immémorial, pour tous
les arcs de triomphe, la guerre et l'enivrement de la victoire
font les honneurs et les frais de celui-ci. Tout ce mouvement
d'hommes, tout ce bruit de caissons, toutes ces piques, ces
lances, ces baïonnettes qui se croisent dans l'air avec les
brillantes fanfares des clairons, c'est la Marseillaise, c'est le
Chant du départ mis en action. A voir ces mâles figures où
rayonnent la valeur et l'amour de la gloire, on pressent que
tout ce peuple va triompher de ses ennemis. Mais là ne finit
pas le drame, il manque à cette fière trilogie un acte que nous
ne voyons pas figurer sur les bas reliefs des portes triompha-
les, le retour après le départ et la victoire. Voici comment
l'artiste pourrait remplir son sujet : le peuple vainqueur re-
vient avec une jambe de bois, le bras en écharpe, le nez
coupé, la bourse vide, mais le général devient cordon rouge ou
 cordon bleu, le lieutenant général est fait maréchal, les four-
 nisseurs sont faits marquis. On chante le Te Deum et La vic-
toire est à nous ! Tu chantes encore, ô bon peuple, mais tu
payes. Tu payes le Te Deum, tu payes les marquisats, les ma-
jorais et cœtera. Le vieux Mazarin le connaissait bien, ô gran d
peuple, il chante, il paiera, disait-il.
    Il ne faudrait pas que le règne de la paix se montrât trop
fier de ce que je viens de dire à l'encontre du règne de la
 guerre. L'industrie a aussi des luttes acharnées à soutenir
 et ses conquêtes ont leur deuil et leurs larmes ; avec elles
la fortune est encore pour les généraux et la misère pour les
 soldats. Si ces soldats ne sortent pas de la bataille le nez coupé,
 il arrive souvent qu'on leur coupe les vivres : témoins les
 coalitions et le salaire; ce qui nous prouve en passant que
 tout n'est pas pour le mienx dans le meilleur des mondes
 possibles.
    L'arc de triomphe de Marseille a eu des destinées muables :
 voté par le conseil municipal en 1823, afin d'immortaliser le
 héros du Trocadéro, il a été consacré, après les Journées de
 Juillet, à perpétuer le souvenir des gloires de l'Empire.