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138 VOYAGE A VIENNE. et pour dissiper ces pensées funèbres et retrouver l'Autriche vivante, je suivis mon guide qui eut l'étrange idée, en quittant ces lieux, de me mener, loin de là , voir les voitures de gala de la cour. C'est chose curieuse que ces anciens carrosses, dans de vilains hangards en planches, et, à la lettre, sous la remise, se reposant d'un sacre en attendant un mariage, vieux volup- tueux mal logés qui ne vivent que pour les fêtes. Ils sont lourds, gothiques, surchargés d'ornements sculptés, couverts de doru- res, de peintures galantes, et superbement empanachés. On dirait ces vieux seigneurs déchus, tout chamarrés, qui savent leur vieille cour, qui sont allés au fond de toutes les voluptés, qui conservent toutes leurs élégances de la veille au milieu de leurs misères du jour. Ces voitures portent de grands noms et de grandes dates dans l'histoire de la monarchie autrichienne. C'est le carrosse du père de la grande Impératrice qui voulut bien condescendre à servir au sacre de l'Empereur actuel. Seu- lement, à cause de la mort récente de l'Empereur François, il fallut effacer les dorures, ternir les riches ornements, et passer un vernis noir sur les erotiques peintures du temps. Que d'amours périrent, et combien de gorges furent voilées pour la première fois, contre l'usage etla vérité! instant le frêle édifice qui pèse en chancelant sur notre patrie, et qui sans cesse nous menace de ses ruines. » — « Quelle garantie aura le duc de Reichstadt de son avenir! » — « L'amour et le courage des Français l'entoureront et formeront un rempart autour de lui. » — « Au bout de six mois il se trouverait au bord d'un abîme. Je vous l'ai déjà dit, l'empereur tient trop à ses principes et à ses devoirs envers ses peuples, aussi bien qu'au bonheur de sou petit-tils, pour jamais se prêter à de semblables propositions. Du reste, vous vous abusez étrangement sur l'issue de votre entreprise, ou plutôt sur la durée de ses résultats : faire du Bonapar- Hsme sans Bonaparte est une idée absolument fausse. » Le prince de Metternich avait bien raison. Et quant au chancelant et frêle, édifice, il semble qu'il s'est assez notablement raffermi depuis !