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             UNE SOIRÉE DANS L'AUTRE MONDE                 437

une autre, portant les ordres des supérieurs et réchauffant
le zèle de chacun. Sous les apparences de simples obser-
vances religieuses se cachent très certainement des visées
politiques. L'Arabe respecte dans le Français qui l'a vaincu
la loi du plus fort, mais il n'en espère pas moins reconqué-
rir la liberté et venger sa défaite à la première occasion.
Les nombreuses insurrections que nous avons eu à répri-
mer en Algérie en sont la preuve, et dans chacune on a pu
reconnaître les menées secrètes des sectes qui les avaient
organisées et préparées de longue main. Le gouvernement
de notre colonie n'ignore pas le but de propagande musul-
mane hostile à la France que ces dangereuses affiliations ne
se donnent guère la peine de cacher. Peut-être vaut-il mieux
paraître fermer les yeux, vu la difficulté extrême qu'il y au-
rait à s'opposer ouvertement à ces Sociétés mystérieuses
rendues encore plus insaisissables par le caractère dissimulé
de l'Arabe.
   Parmi ces sectes, une des plus curieuses, des moins con-
nues et des plus dangereuses par le fanatisme de ses adeptes,
est celle des Aïssaouas. Elle fut fondée, il y a trois siècles
environ, par un marabout de Meknès du nom de Sidi-
Mohammed-ben-Aïssa. Exilé par le sultan du Maroc, Mou-
laï-Ismaïl, le saint égaré dans le désert et ne pouvant nour-
rir les disciples qui l'avaient suivi, leur ordonna, dit-on, de
manger des serpents et des scorpions. Ils obéirent sans acci-
dent, et depuis, les khouans de Sidi-Aïssa jouissent du pri-
vilège de manger impunément les poisons, les animaux
venimeux et même, en invoquant leur patron, d'être insen-
sibles aux blessures et à la douleur. Le tombeau de Sidi-
Aïssa, à Hemeria, au Maroc, est le but de nombreux pèle-
rinages. Ses sectateurs, dans leurs réunions, continuent à
exécuter leurs dangereux exercices pour exciter leur ferveur