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                               BIBLIOGRAPHIE                               237
encore que trop l'auteur. Un écrivain a beau vouloir se réduire au rôle
d'un appareil photographique, il ne peut s'empêcher d'être un appareil
pensant.
   Or je serais bien surpris si pour chacun il ne ressortait pas de la
lecture du livre de M. Avias une impression sympathique pour l'écri-
vain. Dans le groupe de nos jeunes auteurs il se « détache » par une
certaine fleur de délicatesse et de goût. Il est assez difficile aujourd'hui
de lire un volume de littérature sans y rencontrer avec la vulgarité bes-
tiale, ce que l'on a très bien nommé la « pose », bref tout ce qui vous
donnerait l'envie, si le hasard vous faisait rencontrer l'auteur à une
table d'hôte, de vous placer à l'autre extrémité de la table. A lire
M. Avias, on sent au contraire une nature élevée, ayant la chaleur de
la jeunesse, en ayant aussi la tendance rêveuse, qui jadis était son apa-
nage, auquel la jeunesse moderne me semble avoir pleinement renoncé.
Bref, on goûte le livre, mais on aime l'auteur.
   Dans l'œuvre de M, Avias il n'y a pas seulement une âme de poète,
il y a une âme et même une main d'artiste — et une habile main.
Evidemment il eût fait un peintre non moins qu'un écrivain. Il a la
« vision » lumineuse des objets; il saisit le « trait » principal, quel-
quefois unique, qui accuse la ressemblance. Voyez comme il peint les
traits du nouveau-né mourant faute de lait :
    <• Ces petits visages se creusent, les traits se tirent, les yeux s'entou-
»   rent d'un cercle bleuâtre, le pauvre petit nez a ses ailes aplaties, amin-
«   cies, collées l'une contre l'autre ; la lumière se joue en luisants durs sur
«   le teint couleur de cire. Pitié divine ! ce pauvre mignon petit corps,
«   si dodu, si rose, avec de petits bourrelets de graisse transparente aux
«   attaches du poignet, du cou-de-pied, s'est fondu; il ne reste plus
«   qu'un peu de peau ridée sur de frêles os mal formés encore ! Et
«   rien que de voir cette petite misère, vous vous sentez le cœur serré,
«   triste à l'infini... w

  N'est-ce pas là un morceau achevé ?
   M- Avias « voit » non seulement les objets, ce qui est beaucoup,
mais il sait comment il faut les « rendre ». Pour lui la phrase est
étudiée, serrée, composée, comme léserait un vers. Elle a même quel-
que chose de la cadence du vers. Peut-être oserions-nous dire que
cette phrase est un peu trop constamment tendue. On aimerait à la