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64 LE COMPARTIMENT DES FUMEURS Le voilà qui part comme une flèche, traversant la cour de la gare et la chaussée, pour revenir bientôt, tout penaud. Nul besoin d'affirmer qu'il fut d'une humeur massacrante durant tout le trajet, peu enclin à la causerie, et moi, encore moins. * * Quelques jours après cette aventure que j'avais le droit de croire terminée, j'étais à Rouen. Les événements avaient marché : au ridicule succès de Sarrebruck, dont on avait essayé de faire une victoire, avaient succédé Reischoffen et Frœchviller ! Il ne restait plus qu'à regagner son logis, les uns pour se diriger ensuite à la frontière, les autres pour pleurer sur des revers accumulés. Avant de quitter Rouen, je me présentai bien à la poste, mais aucune lettre, ni du Mans, ni de Londres, ne figurait à mon nom. A Paris, en prenant le train pour Lyon, je retrouvai Durel qui, en sa qualité d'ancien sous-officier aux zouaves, et bien que ses trente-cinq ans accomplis l'eussent dispensé d'un rappel sous les drapeaux, rentrait chez lui, avec l'idée de confier sa maison à son associé et de prendre du service. Tout naturellement, il ne tarda pas à amener la conver- sation sur la rencontre que nous avions faite dans le com- partiment des fumeurs. Je me sentais gêné, à cause du silence que j'avais promis. D'autre part, la baronne n'avait- elle pas manqué la première à sa parole, en négligeant d'acquitter sa dette ? Ma foi, tant pis ! je racontai tout à Durel. Ce que je m'attirai de quolibets et de cruelles plaisan-