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436 UNE SOIRÉE DANS L'AUTRE MONDE français. Dans cet ascète calme, froid, au ton poli et mesuré, égrenant lentement le chapelet d'usage, nul n'aurait soup- çonné le chef suprême de fanatiques extraordinaires prêts à tout au premier geste, au premier mot. L'iman qui le suivait avait une figure dure, bestiale, l'Å“il faux et cruel, bien propre à la besogne de tortionnaire que nous lui vîmes remplir plus tard. Il existe en Algérie un certain nombre de Sociétés secrètes, affiliations cachant un but politique, sous le pré- texte de la religion. Peu connues dans leurs détails, vu le secret juré par leurs adhérents, on sait cependant que les principales sont au nombre de huit. Presque tous les Arabes appartiennent à l'une d'entre elles, et prennent la oueurd ou rose de tel ou tel marabout. Le premier soin d'un musul- man rencontrant, pour la première fois, un de ses coreli- gionnaires, sera de lui demander : « Quelle rose portes-tu ? Celle de Sidi-Mohammed-ben-Abder-Rhaman, ou celle de Sidi-Mohammed-ben-Ali-Es-Snoussi? » Il est rare que l'in- terpellé ne se déclare khouan ou frère d'une secte quel- conque. L'arabe arrive assez difficilement à l'affiliation. On fait préalablement une sévère enquête sur son caractère et sa situation. Au jour de l'initiation, avant de « prendre la rose », le futur khouan jure obéissance absolue entre les mains du cheik, à qui il promet, selon la formule consa- crée, d'être entre ses mains « comme un cadavre entre les mains du laveur des morts, qui les tourne et les retourne à son gré, comme un esclave devant son roi. » On comprend quelle influence toute puissante peuvent exercer les khrctlifa ou grands-maîtres de ces diverses asso- ciations sur leurs nombreux affiliés soumis à la hiérarchie de leurs cheiks ou mdkkaà ems et de leurs oukils. D'habiles et discrets messagers voyagent sans cesse d'une réunion Ã