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             UNE SOIRÉE DANS i/ÀUTRE MONDE                435

Aïssaouas, nous le priâmes de nous conduire à leur mos-
quée et de nous y servir d'introducteur, chose difficile, car
les Roumis sont ordinairement forcés de se contenter d'as-
sister à ces réunions du seuil d'une porte entr'ouverte et
encombrée de curieux. Grâce à notre ami, nous pûmes le
suivre et prendre place au milieu même de l'assemblée.
Une indisposition de leur cheik empêcha ce soir-là les
Aïssaouas de se livrer à leurs martyres volontaires habi-
tuels. Il nous parut pourtant que leurs contorsions, chants
et danses, étaient déjà bien suffisamment accentués et d'une
couleur locale plus qu'extraordinaire.
   Lorsque nous sortîmes littéralement assourdis par le
tam-tam et les hurlements forcenés, Si-Hamou nous ra-
mena dans sa maison toute voisine de la mosquée. « J'ai
 « invité, nous dit-il, le cheik à prendre le café avec vous ;
 « quoique malade, il a accepté et viendra chez moi dès la
 « fin des prières. Après demain, s'il plaît à Dieu, vous pas-
ce serez la soirée chez moi, il amènera ses khouans et vous
« verrez les disciples de Sidi-Hohammed-ben-Aïssa bien
« mieux que dans leur mosquée. »
   Le cheik des Aïssaouas nous rejoignit, en effet, quelques
minutes après. Dans son joli costume de soie rouge brodé
d'or, Mahmoud, le neveu de notre hôte, apporta de nou-
veau le café brûlant, et assis ensemble sur les tapis, nous
liâmes conversation avec le chef de la secte des Aïssaouas
et un de ses imans qui l'avaient accompagné.
   Le cheik, par lui-même, était une intéressante étude.
Enveloppé dans un burnous d'une blancheur de neige, son
visage d'une pâleur mate de cire, d'une régularité parfaite
de lignes, mais d'une expression morne et lasse, s'illumi-
nait par instants des lueurs de ses grands yeux au regard
profond. Il ne parlait malheureusement que quelques mots